Quel est l’importance des saveurs dans l’alimentation? Contrairement à ce qu’on pourrait croire, elle va bien au-delà de la notion de «goût». C’est ce que nous explique l’herboriste accrédité et thérapeute en ayurvéda Jonathan Léger Raymond dans cette synthèse d’un article d’abord publié dans le site d’Ayurvéda Révolution, une plateforme de référence internationale sur l’ayurvéda et le mode de vie écologique dont il est cofondateur.

Jonathan Léger Raymond

Selon l’ayurvéda, l’alimentation occupe une place prépondérante dans nos vies, que ce soit pour nous garder en santé ou contribuer à notre joie de vivre. Afin de déterminer l’effet des aliments, l’ayurvéda fait appel à la «science des saveurs», qui établit des corrélations entre le goût des aliments et leur rôle dans l’organisme.

Pour connaître l’effet des aliments, l’ayurvéda nous invite à nous tourner vers nos perceptions sensorielles, en regardant leur aspect, en goûtant leur saveur, en appréciant leur texture, leur température et leur humidité. Une immersion sensorielle s’impose en effet pour mieux connaître les aliments et appliquer avec discernement les notions de nutrition ayurvédiques.

Il sera ici plus précisément question de l’effet des saveurs sur la santé en lien avec les trois principes qui déterminent notre état d’être et que l’ayurvéda nomme doshas. Ces principes ont déjà été exposés dans un billet antérieur – Le b.a.-ba de l’ayurvéda – que vous voudrez sans doute lire ou relire pour bien comprendre de quoi il s’agit.

Le bal des saveurs

En ayurvéda, le mot rasa signifie littéralement «essence» et désigne la saveur des aliments dans un contexte aussi bien culinaire que médicinal. Notre sens du goût fait appel à six saveurs distinctes: sucré, acide, salé, piquant, amer et astringent.

Deux de ces saveurs font appel au sens du toucher: le piquant, qui provoque une irritation et une sensation de douleur, et l’astringent, qui suscite une sensation d’assèchement et de resserrement.

Les quatre autres sont perçues au niveau des papilles gustatives: le sucré, à l’avant, sur le bout de la langue; le salé, sur les côtés, près du bout de la langue; l’acide, sur les côtés, au fond de la bouche; et l’amer, au milieu, au fond de la bouche.

Suit une brève description des six saveurs, accompagnée d’exemples d’aliments qui leur sont associés. Notez que la plupart des aliments comprennent plus d’une saveur, à divers degré.

Sucré (doux)

Il s’agit de la saveur la plus répandue, présente dans tous les aliments qui contiennent des glucides, des protéines ou des lipides. On la retrouve bien entendu dans les sucres naturels, comme le miel et le sirop d’agave ou d’érable, mais aussi dans un grand nombre de fruits, dans des aliments à base de céréales comme le riz, le blé ou l’avoine, dans plusieurs produits laitiers, dans les noix et dans certaines viandes et fruits de mer.

Acide (sûr, aigre)

Cette saveur est proportionnelle à la concentration en ions d’hydrogène dans les acides organiques. Elle est souvent indicative d’aliments riches en vitamines et en antioxydants. On la retrouve dans les agrumes et certains fruits comme la tomate, l’ananas et le kiwi, de même que dans des légumes tels que le radis et la rhubarbe, et dans nombre de fermentations, dont le yogourt, le miso, les fromages vieillis, le vin et le vinaigre.

Salé

Cette saveur dénote la présence de sel de mer, de chlorure de sodium et d’autres sels organiques et minéraux. Elle est très rare hors de la mer et de ses produits, et n’est présente que sous forme de traces dans la nourriture. On la retrouve notamment dans les alliacées comme l’ail et les oignons, dans des légumes comme le céleri et l’asperge, dans des fines herbes comme le persil et la coriandre, dans la châtaigne et dans des céréales comme l’avoine, l’orge et le seigle.

Amer

La plupart des glycosides, certains alcaloïdes et plusieurs substances à charge électrique positive sont amers, et les composés amers ont des effets avérés sur le foie, et parfois aussi sur le cerveau. Cette saveur est présente dans des légumes feuillus comme la roquette, l’endive, le chou et l’épinard, dans des légumes racines comme le navet et le topinambour, ainsi que dans certaines infusions de plantes comme l’absinthe ou l’achillée millefeuille.

Piquant

Cette saveur provoque une sensation d’irritation et de douleur dont l’intensité est évaluée d’après l’échelle de Scoville, qui va de 0 à 2 000 000 SHU. À titre d’exemple, le paprika doux atteint 100 SHU tandis que le Naga Viper de l’Himalaya atteint 1 000 000 SHU. On retrouve cette saveur dans des fines herbes comme le romarin, l’origan, le basilic et le thym, dans des épices comme le gingembre, le raifort, la moutarde, le cumin et la muscade, ainsi bien sûr que dans la cayenne, l’habanero, le jalapeño et autres piments forts.

Astringent

Cette saveur procure une sensation de sécheresse et de resserrement. Elle est invariablement associée à la présence de tannins, chimiquement composés d’un phénol associé à un sucre. On la retrouve dans des fruits comme la framboise et l’argousier, ou comme la banane et le kiwi non mûrs, dans des germinations comme le trèfle et la luzerne, dans les légumineuses et les fèves de toutes sortes, dans nombre de feuilles, notamment de thé et de framboisier, ainsi que dans certaines écorces et racines.

Goûter la saveur des aliments

Porter attention aux sensations gustatives aide grandement à connaître l’effet des aliments et des plats cuisinés. Avec quelques notions de base, un peu de concentration et de pratique, on arrive à percevoir les saveurs subtiles et à raffiner notre capacité à rechercher «instinctivement» ce qui est bon pour nous.

On présente généralement les saveurs d’un aliment en ordre décroissant pour traduire leur degré d’importance. De plus, on peut distinguer les saveurs primaires (rasa) des saveurs secondaires (anurasa) pour mieux exprimer les subtilités gustatives. En voici quelques exemples:

  • citron (rasa acide, anurasa astringent)
  • lime (rasa acide, anurasa amer)
  • roquette (rasa amer, anurasa piquant)
  • épinard (rasa sucré, anurasa amer)
  • céleri (rasa sucré, anurasa amer, salé)
  • pomme verte (rasa acide et sucré, anurasa astringent)
  • vin rouge (rasa acide et sucré, anurasa astringent, amer)
  • ail (rasa piquant, acide et sucré, anurasa salé et amer)

N’oubliez pas que la saveur de chaque aliment varie également selon les méthodes de culture, la qualité des sols, la variété cultivée, le stade de mûrissement et autres facteurs d’influence. Ainsi la saveur de bien des fruits passe-t-elle d’une prédominance acide à sucrée, tandis que le piquant varie d’une récolte de radis à l’autre, et que les yogourts deviennent de plus en plus acides par fermentation.

Un plat sera d’autant plus savoureux s’il contient un peu de chacune des six saveurs, ne serait-ce qu’une petite touche. C’est l’une des plus importantes astuces de l’art culinaire indien et de la gastronomie en général.

Cela dit, les saveurs ne relèvent pas que du goût. Elles ont aussi des effets marqués sur notre organisme. C’est ce que nous regarderons de plus près dans un prochain volet.

À suivre…

Les 6 saveurs et l’alimentation