Blague à part, il ne sera pas question ici de savoir si vous êtes plutôt tablette ou portable. Outre les plateformes électroniques, il y a aussi des plateformes pétrolières, des plateformes électorales, des plateformes de jeu et même des jeux de plateforme! Mais ce n’est pas de ça non plus qu’il s’agit. J’aimerais plutôt vous entretenir d’un tout autre type de plateforme à partir d’extraits d’une conférence de Bhaktivedanta Swami donnée à l’Université Northeastern de Boston au printemps 1969.
Pour faire suite à mes billets Les bienfaits de la méditation et Dis-moi sur quoi tu médites, il m’a paru approprié de faire le lien avec la conférence citée en introduction, au cours de laquelle le swami expliquait que la pratique toute simple du chant du maha-mantra élève aussitôt le méditant à la «plateforme transcendantale». Et d’ajouter:
«Aucune autre forme de méditation ne peut être pratiquée en marchant dans la rue ou en faisant sa lessive.»
Ayant ainsi piqué la curiosité de son auditoire, il l’invite à comprendre ce qu’il en est de cette plateforme transcendantale par rapport aux plateformes auxquelles nous confinent notre existence conditionnée par notre environnement matériel.
Le troisième chapitre de la Bhagavad-gita décrit ces différentes plateformes, explique-t-il.
La première est la plateforme sensorielle, fondée sur une conception corporelle de la vie. Lorsqu’on s’identifie à son corps, on se définit en fonction de son appartenance à un groupe ethnique, genré (ou non), socioculturel, professionnel ou autre. Tant et aussi longtemps qu’on se trouve sur cette plateforme, on s’imagine que le bonheur repose sur les plaisirs que peuvent nous procurer nos sens.
Cette conception de soi comme n’étant qu’un organisme biophysicochimique – un sac d’os, de muscles, de nerfs, de sang, de peau et d’organes internes – n’est pas considérée comme très évoluée par les Védas; et tous les efforts déployés pour améliorer sans fin la condition de ce corps irrémédiablement appelé à dépérir jusqu’à son extinction nous éloignent de la réalisation de soi plutôt que de nous en rapprocher.
Lorsqu’on parvient à se distancer de la plateforme sensorielle, on en vient à s’identifier à son mental plutôt qu’à son corps physique, c’est-à-dire à ses pensées, à ses émotions et à ses désirs. Aussi la seconde plateforme est-elle appelée la plateforme mentale, plus subtile que la première, mais fortement tributaire des innombrables aléas qui ponctuent le quotidien.
Lorsqu’on surmonte les dualités constantes contre lesquelles buttent nos pensées, nos émotions et nos désirs, on peut s’établir au niveau de la troisième plateforme, soit la plateforme intellectuelle, sous la gouverne de l’intelligence, autrement dit de nos facultés de raisonnement, d’analyse, de discernement et de jugement.
De plateforme en plateforme
«La vaste majorité des gens ont une conception strictement sensorielle de leur être, poursuit Bhaktivedanta. Parmi eux, certains s’élèvent au niveau mental, et très peu s’établissent sur la plateforme intellectuelle. Mais pour accéder au plan spirituel, il faut aussi transcender la plateforme intellectuelle. C’est là la première étape de la réalisation de soi, celle où la personne qui prend conscience d’une dimension suprasensorielle, supramentale et supraintellectuelle réalise “Aham brahmasmi, je ne suis pas mon corps, je ne suis pas mon mental, je ne suis pas mon intelligence, je suis une âme spirituelle”.»
Lorsqu’on s’établit sur la plateforme transcendantale, on développe graduellement des attributs particuliers, également décrits dans la Bhagavad-gita. Entre autres, on s’affranchit de la morosité et on devient plus joyeux. On cesse de se lamenter à propos de ce que l’on perd et de convoiter ce que l’on n’a pas. On se défait du sentiment que tout nous appartient – ma femme, mes enfants, ma voiture, ma maison, mon pays… –, conscient de ce que notre rôle n’en est pas un de roi et maître de tout ce qui nous entoure, mais bien plutôt d’intendant chargé de prendre soin de ce qui nous est confié par la destinée, et de tout employer au service du plus grand bien de tous.
Pour atteindre ce niveau de conscience, il faut apprendre à se défaire de nos conceptions erronées sur la nature de la vie et de notre identité profonde. Et le moyen le plus simple et le plus efficace pour y arriver de nos jours consiste à méditer sur les noms, les formes, les attributs et les gloires du Bienheureux, de l’Infiniment fascinant, du Seigneur des seigneurs, Shri Krishna, et de son inséparable compagne, Shri Radha, notamment par le chant du maha-mantra.
Si vous connaissez le Divin sous un autre nom ou une autre forme – il en a une infinité –, peu importe. Le principe reste le même, et le test de votre avancement aussi: si vous vous établissez dans la transcendance et développez votre amour pour le Suprême, source et maintien de tout ce qui existe, c’est que vous êtes sur la voie de la pleine réalisation de soi.
«La vibration sonore purement spirituelle des noms de l’Absolu a le pouvoir de vous élever spontanément sur la plateforme transcendantale, conclut Bhaktivedanta Swami, car cette vibration n’est pas différente de l’Absolu en soi. Vous n’avez pas à changer de situation sociale ou familiale, ni d’emploi ou de religion. Il vous suffit d’intégrer la pratique de la méditation mantrique à l’ensemble de vos activités quotidiennes pour vous établir au niveau spirituel. Ça ne coûte rien, et vos progrès ne dépendent que de votre capacité à vous défaire de votre conception sensorielle, mentale et intellectuelle de la vie.»