Cette photo prise en Suède n’a rien de truqué, elle est en tous points fidèle à la réalité de la scène; mais la présence de plusieurs soleils dans le ciel est purement illusoire. Nous les voyons de nos propres yeux, comme ces Suédois les ont vus, mais ils n’existent pas!
Ce phénomène optique communément appelé «faux soleil» porte le nom scientifique de «parhélie». Il se produit lorsque le soleil se trouve près de l’horizon et que l’atmosphère est chargée de cristaux de glace. En tombant des nuages, ces derniers forment un réseau de prismes qui reflètent et réfractent la lumière du soleil, faisant ainsi apparaître de faux soleils de part et d’autre du vrai soleil.
Le Bhagavat Purana rapporte un échange entre les Védas personnifiés et les philosophes de l’école du mimamsa sur l’illusion et la réalité. Selon les adeptes de cette école de pensée, il n’existe aucune réalité en dehors du monde connu et de la perception que nous en donnent nos sens et nos moyens d’analyse. Selon eux, l’existence de l’univers ne dépend d’aucun facteur d’ordre surnaturel; il n’a en soi ni commencement ni fin, et le cycle karmique des actions et de leurs réactions est perpétuel, n’offrant aucune possibilité d’accès à une dimension susceptible de transcender la matière.
Voir 6 écoles de philosophie védiques.
Voir Un philosophe peut en cacher un autre.
Les Védas leur opposent toutefois une vision plus nuancée et plus complète de la réalité. Ils donnent, entre autres, l’exemple d’une personne qui, voyant une corde enroulée au sol dans la pénombre est soudain prise de peur, croyant qu’il s’agit d’un serpent. La corde est bien réelle, mais l’image qu’elle fait naître est illusoire, même si la réaction qu’elle provoque est tout aussi réelle que la corde elle-même. La peur de l’observateur ne vient pas de la corde, mais de l’image qu’il s’en fait; elle vient de son ignorance de la réalité, soit de la véritable nature du serpent qu’il croit voir.
De même, l’univers en soi est bien réel, mais la perception selon laquelle il représente la totalité du réel est illusoire. En y regardant de plus près, l’observateur apeuré finit par comprendre que ce qu’il croit être un serpent est en fait une corde. Et un examen attentif de la structure même de la matière a tôt fait de révéler qu’elle est en constante transformation, que toutes les formes qu’elle emprunte sont transitoires, et que la perception qu’elle puisse être permanente est illusoire.
Prismes et projections
Les Védas expliquent en outre que les manifestations transitoires de la matière sont en fait autant de reflets de la réalité transcendante et permanente d’où procède l’infinie variété de réalités éphémères. Et que ces reflets sont savamment agencés sous l’effet des désirs des êtres conditionnés par une conception matérielle de l’existence. Conception qui les fait s’identifier à leur corps temporaire au point d’y vivre comme s’il n’allait jamais s’éteindre, alors que contrairement à eux qui sont éternels, tous les corps qu’ils revêtent naissent et meurent.
À l’image des faux soleils n’existant que par les prismes qui reflètent la réalité du vrai soleil, ou encore du faux serpent extrapolé de la réalité de la corde, les innombrables facettes de la nature matérielle et les corps animés qui y évoluent ne sont qu’autant de projections de l’énergie vivante qui les anime.
L’illusion selon laquelle l’univers connu est la seule réalité qui existe se transmet de génération en génération par des philosophes et des matérialistes qui ignorent tout de la réalité transcendante dont dépend la réalité visible. Or, les Védas recommandent de ne pas céder aveuglément à la fascination que peut exercer cette illusion.
C’est pourquoi le tout premier verset du Védanta-sutra – qui marque l’aboutissement de toutes les approches philosophiques de la réalité et de l’Absolu – nous enjoint de nous enquérir du Brahman, de la réalité suprême qui englobe toutes les réalités secondaires. Le Brahman constitue d’ailleurs l’un des cinq grands thèmes de la Bhagavad-gita, le classique le plus connu et le plus accessible de la littérature védique, de sorte que nous pouvons l’étudier à loisir pour mieux distinguer l’illusion de la réalité.