Je vous propose aujourd’hui une nouvelle série notamment tirée des recherches du mathématicien Richard L. Thompson et d’un maître de la pensée védique, Tripurari Swami, sur les travaux d’un large éventail de scientifiques voués à l’étude du phénomène de la conscience, l’ultime frontière de la science moderne. Comment la définir? Où se trouve-t-elle? Pourquoi joue-t-elle un rôle si important en spiritualité comme dans la vie de tous les jours? Le débat fait rage depuis des décennies, et de plus en plus de chercheurs tentent d’en percer le mystère une fois pour toutes. Voyons donc où en est l’état des connaissances sur ce phénomène pour le moins élusif.

L’idée dominante en sciences est que toutes les manifestations de la vie – du métabolisme des cellules les plus simples aux processus mentaux les plus complexes – peuvent entièrement s’expliquer en termes de réactions chimiques et physiques. Pour reprendre les mots du Nobel James Watson:

«Les biochimistes ont désormais la certitude absolue que toutes les caractéristiques du vivant seront bientôt comprises comme étant attribuables aux interactions coordonnées d’ensembles de molécules.»

Molecular Biology of the Gene, New York, W.A. Benjamin, 1970.

C’était il y a 75 ans, et aussi populaire et répandue qu’ait pu être et que puisse encore être cette «certitude absolue», force est de reconnaître qu’en ce qui concerne la conscience, pas même l’ombre d’un progrès n’a été fait en ce sens. La seule certitude absolue à l’heure actuelle, c’est que le phénomène de la conscience ne se prête en rien à une explication moléculaire.

Pourtant, la conscience, au fondement même de toute expérience, est irrévocablement antécédente à nos sensations, à nos sentiments et à nos pensées. Plus encore, elle sous-tend jusqu’à la conception que nous avons de nous-mêmes et de notre identité. Elle relève de l’essence même du vivant.

On ne saurait nier que la science a réalisé des progrès hallucinants au cours des dernières décennies, et ce, dans tous les domaines. Mais le fait est qu’à ce jour, aucun cadre théorique, que ce soit en biologie, en chimie ou en physique, ne parvient à cerner la conscience. Les scientifiques reconnaissent eux-mêmes ne pas même avoir de mots pour en parler, que dire de l’expliquer?

Il est d’ailleurs aujourd’hui universellement reconnu que la conscience est extrêmement difficile à caractériser. Selon le Dictionnaire international de psychologie:

«Ce concept est impossible à définir sauf en termes inintelligibles pour qui n’a pas déjà une compréhension de ce qu’est la conscience.»

Du point de vue des Védas, la difficulté à définir la conscience tient à ce qu’elle n’est pas une «chose», un objet physique observable et mesurable. On ne peut donc la comparer à rien, ni par conséquent la définir à proprement parler. Ce qui explique qu’elle échappe au modus operandi de la science empirique.

Au-delà de la perception

Pour mieux comprendre en quoi la conscience se distingue des phénomènes qu’elle sous-tend, et dont la science s’emploie à expliquer le fonctionnement, examinons de plus près les mécanismes de la perception.

Quand on regarde une pomme, par exemple, le processus de perception débute lorsque la lumière réfléchie par la pomme se concentre sur la rétine de l’œil, où se forme une image inversée de la pomme. Cet influx de lumière induit dans les cellules de la rétine des changements chimiques qui, à leur tour, stimulent les cellules nerveuses adjacentes à transmettre des impulsions électriques. Un schéma d’impulsions systématiques correspondant à l’image de la pomme est ainsi transmis au nerf optique, qui l’achemine jusqu’au cerveau, où les impulsions reçues modifient la configuration des concentrations chimiques et des potentiels électriques du vaste réseau de cellules nerveuses qui s’y trouvent. Jusque-là, tout se tient et s’explique. Il n’en va toutefois pas de même de la suite.

À ce stade, nous disent les scientifiques – qui présument qu’il en est ainsi tout en admettant candidement n’avoir aucune idée précise de la façon dont cela fonctionne –, la configuration particulière que les impulsions reçues génèrent dans le cerveau représenterait la forme codée des pensées et des impressions sensorielles de la personne qui observe la pomme, lui confirmant qu’il s’agit bien d’une pomme si elle en a déjà vu une, ou emmagasinant dans son cerveau une nouvelle image qui pourra ultérieurement être reconnue.

Du tangible à l’intangible

Très instructif, tout ça, mais malgré les recherches les plus poussées dans le domaine depuis plus de deux siècles, et malgré les progrès fabuleux de la science au cours des dernières décennies, aucun biochimiste ne peut relier de près ou de loin les mécanismes décrits ci-dessus à l’expérience subjective de la personne dont les yeux perçoivent la pomme. On comprend comment le corps capte, traite et interprète les signaux visuels reçus, mais ces données ne fournissent aucune indication sur l’expérience subjective de la personne qui a conscience de voir la pomme.

La connaissance de ces mécanismes ne permet pas non plus de comprendre pourquoi deux personnes qui regardent la même pomme ne la perçoivent pas de la même façon, ni pourquoi elle évoque des sensations, des pensées et des émotions différentes chez l’une et chez l’autre. Les mêmes mécanismes de perception rigoureusement programmés sont pourtant bien à l’œuvre!

Il ressort de tout ceci qu’en dépit des indéniables mérites de la science, les méthodes sur lesquelles elle s’appuie actuellement ne lui donnent aucun moyen d’appréhender le phénomène de la conscience. Pour tout dire, plus les scientifiques cherchent à approfondir la nature de la perception et de la conscience, plus elle leur échappe.

Mais tout n’est pas perdu pour autant!

À suivre...

Science et conscience