Voici un article de Jonathan Léger Raymond, thérapeute en ayurvéda et herboriste accrédité, co-fondateur du centre Espace Ayurvéda à Montréal et d’Ayurvéda Révolution, une plateforme de référence internationale sur l’ayurvéda et le mode de vie écologique. Cet article a d’abord été publié sous le titre «L’ayurvéda, d’hier à aujourd’hui».
La médecine ayurvédique plonge ses racines dans les temps immémoriaux. Il s’agit d’un système de santé holistique qui synthétise l’ensemble des pratiques thérapeutiques perfectionnées dans le sous-continent indien au fil des millénaires.
En sanskrit, ayurveda signifie littéralement «la science de la vie». Selon les écoles de philosophie nyaya et vaisheshika, la vie est le flux qui unifie le corps, les perceptions sensorielles, l’intellect et l’esprit du cœur; le lien entre la conscience intérieure et les phénomènes du monde extérieur.
L’ayurvéda définit la santé comme suit:
La personne en bonne santé est celle dont les humeurs, les tissus, l’appétit et l’élimination sont équilibrés, dont l’esprit, le corps et l’âme sont emplis de félicité.
Sushruta-samhita, Sutrasthana, 15.10
La définition adoptée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a d’ailleurs été modifiée à partir de celle de l’ayurvéda:
«La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.»
De la tradition orale à la tradition écrite
L’ayurvéda synthétise les connaissances et les pratiques provenant des autochtones, des ascètes de l’Inde ainsi que des dépositaires de traditions ancestrales perpétuant le savoir de civilisations aujourd’hui disparues. Des versions informelles de l’ayurvéda subsistent encore de nos jours parmi les peuples tribaux, les yogis et les praticiens de la médecine dite siddha. Ces hommes et ces femmes vivent en harmonie avec les éléments naturels et ont appris à se soigner de façon autonome.
À l’époque préhistorique, la transmission du savoir se faisait essentiellement de manière orale, de maître à élève, deux entités parfaitement complices et complémentaires, afin que la profondeur et l’authenticité des enseignements se préservent à travers le temps.
Peu à peu, les enseignements ont été circonscrits sur des plaquettes d’argile ou de métal, ou sur des morceaux d’écorce. Les premiers écrits ont d’abord été gravés de manière cryptique: à l’envers, leur ordre volontairement mélangé, et bien souvent sous forme de poésie et de métaphores, afin qu’ils ne puissent être transmis que sous la direction d’un maître. Cela a permis d’éviter que des gens interprètent ces enseignements de manière incorrecte ou incomplète, et dégradent ainsi la qualité de l’approche ayurvédique.
Les traditions orales se sont graduellement affaiblies, jusqu’à ce que la consignation écrite des textes sacrés soit considérée souhaitable à leur préservation. Les enseignements académiques ont quelque peu éclipsé l’expérience directe pour faire place à une tradition basée sur les classiques ayurvédiques, soit l’Ashtanga samgraha, la Charaka-samhita ainsi que la Sushruta-samhita. Cette version «officielle» de l’ayurvéda, telle que nous la connaissons aujourd’hui, a émergé vers les 5e et 6e siècles av. J.-C.
Il n’y a pas que les traditions orales qui ont souffert en ayurvéda: l’immense bibliothèque de l’université de Takshashila à Nalanda, comparable à celle d’Alexandrie, fut détruite par les envahisseurs turcs musulmans sous Bakhtiyar Khilji en 1193. On raconte que le feu mit trois mois à brûler l’incroyable quantité de documents qui étaient conservés dans ce complexe de 14 hectares!
L’ayurvéda aujourd’hui
Aujourd’hui, nous sommes à la redécouverte de ce trésor d’expériences inestimables, les recherches scientifiques modernes attestant des bienfaits de l’ayurvéda. Cette science de la vie s’implante un peu partout dans le monde, aussi est-il important de bien saisir son essence tout en adaptant ses applications concrètes aux circonstances contemporaines ainsi qu’aux ressources disponibles localement.
J’aurai l’occasion de vous reparler plus en détail des fondements et des applications de l’approche ayurvédique à la santé holistique. En attendant, voici les huit spécialités (ashtanga ayurveda) regroupant les différentes formes de thérapies ayurvédiques:
- Médecine interne (kaya chikitsa)
- Chirurgie (shalya tantra)
- Ophtalmologie et oto-rhino-laryngologie (shalakya tantra)
- Toxicologie (agada tantra)
- Psychologie, psychiatrie et métaphysique (graha-vidhya ou bhuta vidhya)
- Pédiatrie et gynécologie (kaumara bhrithya)
- Réjuvénation et gériatrie (rasayana ou jara chikitsa)
- Reproduction, aphrodisiaques (vrisha ou vajikarana chikitsa)