Dans le tout premier verset de son Védanta-sutra, le sage Vyasa nous invite à nous enquérir sans tarder de l’Absolu.
Pourquoi l’Absolu? Et pourquoi « sans tarder »? Qu’est-ce qui a bien pu pousser Vyasa à exhorter de la sorte les générations à venir dès la première ligne de son célèbre condensé des Védas? À bien y penser, il appert qu’il ne s’agit pas d’un simple coup de tête, mais bien d’un conseil hautement judicieux.
Les millions d’espèces qui peuplent l’univers savent toutes se nourrir, alterner les périodes d’activité et de repos, se défendre contre les menaces extérieures et assurer la continuité de l’espèce par la reproduction. Certaines savent même jouer, rire et faire montre d’affection. Mais la forme humaine est la seule qui permet de s’interroger sur ses origines, sa raison d’être et sa finalité – la perle rare!
L’Absolu dont parle Vyasa, c’est le Brahman, l’Essence de tout ce qui existe, le Verbe, la Cause primordiale, l’Être suprême. Mais le brahman, en sanskrit, c’est aussi l’étincelle vivante qui anime tous les êtres, l’âme distincte de toutes les autres âmes et en même temps partie intégrante de l’Âme universelle. C’est aussi la nature et tous les éléments dont elle se compose – le champ d’action de l’âme incarnée. Et ce sont enfin les codes du savoir et les codes d’action que renferment les Védas.
Oyez, oyez!
En fin de compte, d’entrée de jeu, avant même d’entamer son propos, le sage tient à annoncer la couleur et à nous envoyer un message clair, haut et fort : «Le moment est venu de s’enquérir de l’Absolu, ici et maintenant.» Autrement dit, puisque nous avons la chance d’avoir une forme humaine, profitons-en sans tarder pour chercher à connaître la Source de tout, notre nature véritable ainsi que les mécanismes qui nous emprisonnent dans la matière et entravent notre soif de bonheur et d’éternité.
Ce ne sont pas les distractions qui manquent, mais il faut savoir établir ses priorités. Et quelle est notre plus grande priorité? C’est d’être heureux. Complètement heureux. Tout le temps heureux. Mais qu’ils soient d’ordre sensoriel, émotionnel ou intellectuel, les bonheurs que nous arrivons à glaner par nos efforts ne sont jamais sans failles ni durables.
Une personne sensée doit donc se rendre à l’évidence : jamais elle n’arrivera à vaincre la maladie, la vieillesse et la mort – les trois plus grands obstacles à son bonheur – sans élargir sa conception de la vie. Si elle veut connaître la plénitude, elle doit s’enquérir de l’Absolu et chercher à se réaliser sur le plan aussi bien spirituel que matériel. Et la précieuse forme humaine lui en donne le pouvoir!
Qui voudrait renoncer à ce pouvoir et laisser passer pareille occasion? Remercions plutôt le sage de nous inciter à regarder au-delà de nos instincts et de nos préoccupations primaires pour enrichir sans tarder notre vision du monde et découvrir l’Absolu dans toute sa splendeur.