Adapté de la préface à L’astrologie védique d’Andrée Leclerc, par Robert A. Koch, astrologue védique de renom et auteur de The Spiritual Dimensions of Vedic Astrology.
Le libre arbitre se définit comme la faculté qu’aurait l’être humain de se déterminer par lui seul à agir et à penser, par opposition au déterminisme ou au fatalisme, doctrines selon lesquelles actes et pensées seraient invariablement déterminés par le destin.
Les principes philosophiques du sort et de la destinée sont ancrés dans la pensée de la plupart des cultures depuis l’antiquité. La notion apparemment opposée de libre arbitre a par contre soulevé la controverse dans l’esprit des penseurs modernes, dont beaucoup insistent pour dire que chacun peut faire ce qu’il veut, pourvu qu’il en ait la volonté et qu’il cultive un état d’esprit approprié. Mais bien que les concepts de destin et de libre arbitre puissent sembler conflictuels, ils désignent en fait une seule et même chose, si bien que l’un ne saurait exister sans l’autre.
Les Védas expliquent que le principe du karma fait en sorte que chacun récolte les fruits de ses actes passés, que ce soit dans cette vie ou dans une ou plusieurs vies antérieures. Mais aussi que le libre arbitre fait parallèlement partie intégrante de l’atma, de l’âme, qui par nature aspire toujours à quelque chose, que ce soit dans le cadre du monde matériel, temporaire, ou dans celui du monde spirituel, éternel.
La question de savoir lequel, du destin ou du libre arbitre, a le plus d’influence ne se poserait jamais si l’âme, éternelle et impérissable, ne s’était pas empêtrée dans cet univers temporel où chaque action entraîne inévitablement une réaction. Dans les faits, donc, le véritable dilemme des âmes que nous sommes ne consiste pas à déterminer si notre libre arbitre peut ou non surmonter notre destin, mais plutôt à comprendre que notre existence matérielle est en soi illogique. Illogique, parce que l’âme éternelle cherche alors à combler son désir de bonheur permanent en un lieu transitoire et impermanent.
Liberté conditionnelle
Toute personne qui en vient à comprendre que tout en ce monde est temporaire, et que l’attachement au corps et à la matière est à l’origine de naissances et de morts répétées sous différentes formes de vie, peut aussi comprendre qu’elle est seule responsable des joies et des peines résultant de ses actes, vie après vie.
Est-ce à dire que, sous l’emprise du destin, ou du karma, nous ne pouvons modifier notre sort ou nos conditions de vie? Certainement pas, dès lors que l’âme est naturellement et foncièrement dotée de libre arbitre. Sur le plan spirituel, l’action génère des possibilités infinies et permanentes, et lorsque, dans son état naturel, elle est empreinte de conscience spirituelle, l’âme dispose d’un libre arbitre sans limites pour combler ses désirs. Cela dit, si l’âme éternelle persiste à évoluer dans le domaine temporel de la matière, son libre arbitre s’en trouve restreint, et ne peut s’exercer qu’à l’intérieur des paramètres de son karma, de son destin.
L’analogie du prisonnier peut aider à comprendre ces principes. Lorsqu’une personne se voit emprisonnée, son libre arbitre s’en trouve grandement réduit. Il est toujours là, mais il ne peut s’exprimer que dans le contexte des contraintes inhérentes au milieu carcéral. De même, s’il arrive qu’au cours d’une vie une âme incarnée viole les droits et libertés d’autrui, elle écope d’une peine qu’elle devra purger dans sa prochaine vie. Et si quelqu’un tue un autre être vivant sans motif de survie ou d’autodéfense, il sera à son tour tué dans une vie future. Dans un cas comme dans l’autre, l’âme aura toujours le libre choix d’agir ou non, mais une chose reste certaine: elle devra vivre avec les conséquences de ses actes, entre les quatre murs de son karma.
La réalité dépasse la fiction
Certains peuvent se demander si les mouvements et les prérogatives de l’âme sont vraiment toujours aussi encadrés à l’époque où nous vivons, ou si la notion de destin n’appartient pas plutôt à un mode de pensée archaïque. Certains vont même jusqu’à prétendre que notre esprit est à l’origine première de nos actes, et qu’en formant le mental à contempler et à visualiser des résultats rêvés, chacun peut franchir les frontières de son karma et obtenir tout ce qu’il désire.
Il ne fait aucun doute que de telles philosophies sont attrayantes, dans la mesure où nous aimerions tous penser qu’en cultivant l’état d’esprit voulu, nous pouvons créer tout ce que nous voulons. La réalité est cependant tout autre. S’il est vrai que nous récoltons tantôt les doux fruits de nos actes, il est tout aussi vrai que nous récoltons parallèlement les fruits amers d’autres actes, et ce, quels que soient les efforts que nous déployons pour n’obtenir que ce qui nous plaît.
Il est évident que plus on met d’énergie à obtenir un résultat donné, plus on a de chances de l’obtenir. Mais le mot clé ici est «chances», car jamais nous n’aurons aucune garantie de l’obtenir, et même en y consacrant toutes ses énergies, il est fort possible que nous ne l’obtenions jamais. Pourquoi? Parce que notre libre arbitre s’exerce toujours dans les limites de notre karma, les deux étant indissociables.
Ce constat gagne à susciter en nous un sentiment d’humilité et de respect à l’égard des forces qui régissent ces lois universelles, plutôt qu’un sentiment de fatuité ou d’indignation ancré dans la conviction que nous pouvons défier les lois de la nature et faire tout ce qui nous plaît. Car, en fin de compte, le meilleur usage que nous puissions faire de notre libre arbitre consiste à cultiver la conscience qui favorise l’action spirituelle, libre de karma, plutôt que l’action matérielle. D’où l’importance de ce qu’on appelle la réalisation spirituelle.