Cette expression si chère au Capitaine Bonhomme de mon enfance – comme de celle de milliers de baby-boomers – trouve écho dans tous les aspects de la vie. Y compris en spiritualité – n’en déplaise aux négationnistes –, et tout aussi bien en science, comme le souligne la biologiste Audrey Martel dans un article intitulé «Je suis une éternelle sceptique positive» d’abord publié sur le site du Jardinier paresseux et reproduit ici avec son aimable permission.
Ma phrase préférée: «On ne sait jamais!» Pourquoi? Parce que j’aime croire. Croire à quoi? Aux licornes, au Père Noël, à l’amour! J’aime accorder le bénéfice du doute et croire que quelque chose est possible.
Peu de scientifiques sont aussi ouverts, croyez-moi: pour beaucoup, on ne croit que lorsqu’on a des preuves solides, une valeur-p < 0,05, et des pairs qui ont validé l’information tous les 10 ans. (Si vous ne savez pas ce qu’est une valeur-p, considérez-vous chanceux!) C’est du moins ce que j’ai constaté de mes professeurs-chercheurs durant mes études…
Soit dit en passant, mon conjoint, docteur en biologie, est le terre-à-terre du couple: si on n’a pas de preuve, on n’a aucune raison de croire. Laissez-moi vous dire que ça fait des conversations très intéressantes, deux biologistes qui spéculent sur le fait que X ou Y soit possible ou non.
Cela dit, permettez-moi de vous emmener dans mon monde, celui du «et si ça se pouvait?». J’ai envie de partager avec vous un peu de mon quotidien, de ma vision de la vie et de la nature, d’ouvrir vos horizons et de savoir quel genre de jardinier (ou de pèlerin) vous êtes.
Crédule, curieux ou sceptique?
Avant tout, gardez en tête qu’à une certaine époque, boire une tisane pour se soigner était considéré comme de la sorcellerie. Maintenant, on utilise la molécule naturellement présente dans le saule pour faire l’aspirine.
À la même époque, entendre hululer un hibou était signe d’un grand malheur, et on tuait le malheureux qui s’introduisait dans la grange. Maintenant, on l’y invite pour qu’il nous débarrasse des souris.
Il n’y a pas si longtemps encore, on faisait des saignées pour guérir divers maux. Maintenant, on fait des transfusions.
Quand j’étais petite, ma grand-mère disait «les vaches sont couchées, il va pleuvoir. Accroche un crucifix sur la corde à linge». Je suis pratiquement certaine qu’aujourd’hui, le lien entre les vaches, la pluie et la religion est inexistant pour la majorité des gens.
La magie, le mystère et les croyances d’hier sont la science, l’expérience et… l’internet d’aujourd’hui.
S’il est vrai qu’à une époque on faisait les choses d’une certaine façon, il est tout aussi vrai que tout cela peut changer. Peut-être que dans quelques centaines d’années, on rira de notre médecine actuelle, de nos croyances (ou de nos incroyances) et de notre façon de jardiner!
Peut-être aura-t-on découvert qu’en fait, planter une graine un jour de pleine lune fait vraiment une différence? Ou bien qu’il est possible de communiquer avec nos plantes en utilisant des phéromones?
On ne sait pas ce qui nous attend comme nouvelles découvertes ou comme nouvelles technologies. Se pourrait-il qu’on découvre que mettre un navet pourri peint en violet sur le réservoir de toilette éloigne les thrips? C’est peu probable, je l’admets, mais… on ne sait jamais!
Le jardinage est un monde complexe, plein de superstitions, d’essais et d’erreurs.
Ce qui marche chez l’un ne fonctionne pas toujours chez l’autre. Pourquoi? Aucune idée! On ne sait pas tout, voilà tout! Peut-être que le ton de voix d’une personne est plus favorable à ses plantes, à moins que ce ne soient les effluves émanant de sa cuisine qui les stimulent? Ridicule? Pourquoi? Parce que personne n’a encore fait de recherches sur le sujet? C’est justement la raison pour laquelle ce n’est pas ridicule.
J’ai quelques messages à partager avec vous aujourd’hui, non pas tant comme scientifique que comme moi-même, une scientifique, certes, mais d’abord et avant tout une sceptique positive qui aime laisser le bénéfice du doute aux théories apparemment sans fondement.
Les crédules
Ne croyez pas tout. Faites vos recherches, mais faites des tests aussi. Est-ce que le ketchup est un bon engrais? Faites deux boutures et arrosez une des deux avec de l’eau de ketchup; vous ferez peut-être une merveilleuse découverte. Après tout, les plus grandes découvertes scientifiques ont été faites par erreur, ou ont d’abord été ridiculisées!
Les terre-à-terre
Vous avez sans doute lu énormément et vous avez beaucoup de connaissances. Mais laissez-vous un peu d’air aussi. Un peu de rêve. Et avant de dire «non» à la personne qui vous demande si elle peut arroser ses plantes au ketchup, demandez-vous si c’est vraiment la bonne réponse à donner. L’avez-vous essayé? Avez-vous lu un article scientifique sur le sujet? Le fait est que vous vous apprêtez peut-être à ridiculiser un futur Marie-Victorin! Le père du frère Marie-Victorin souhaitait le voir devenir marchand. Or, sans lui, qui a fondé le Jardin botanique de Montréal, qui sait combien de temps nous aurions dû attendre avant qu’un autre passionné enrichisse autant que lui nos connaissances sur la nature québécoise?
Les superstitieux
Vous mettez toujours un bloc Lego au fond de vos pots de plantes parce que c’est ce que votre grand-mère faisait? D’accord, mais pourquoi? Est-ce que c’est encore pertinent aujourd’hui? Se pourrait-il qu’elle ait mis un bloc au fond de ses pots à seule fin d’empêcher la terre de s’échapper par le trou de drainage… et parce que c’est ce qu’elle avait sous la main à l’époque? «Ça s’est toujours fait comme ça» n’est pas toujours gage de réussite. Soyez ouverts à changer les traditions.
Le mot de la fin
Je ne sais pas tout, vous ne savez pas tout, et personne ne sait tout (heureusement, car si quelqu’un savait tout, il recevrait une quantité inimaginable de courriels!) Alors, soyez ouverts aux innovations et à l’inconnu. Questionnez vos attitudes et vos agissements… et osez essayer! Voilà pour la morale philosophique du jour. Après tout… on ne sait jamais!
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Audrey Martel est une biologiste diplômée de l’Université de Montréal. Après plus de dix ans dans le domaine de l’animation scientifique, notamment pour Parc Canada, elle a rejoint Conservation de la nature Canada afin de relever de nouveaux défis en rédaction scientifique, et en 2022, elle a décidé de se lancer à temps plein dans la rédaction scientifique en tant que pigiste. Elle se passionne pour les plantes et champignons comestibles, le comportement animal, les liens entre les espèces dans les écosystèmes, et la sensibilisation à la protection de la nature. N’hésitez pas à lui écrire si le cœur vous en dit: [email protected]