Araki Jippo
Tableau japonais représentant les saisons

Les Védas présentent une description détaillée des cycles temporels qui ponctuent l’existence de l’univers, à commencer par quatre âges qui se succèdent et se répètent au fil du temps suivant une nomenclature reprise par différentes traditions sous les noms d’âge d’or, d’argent, de bronze et de fer.

L’âge d’or

Le premier des âges d’un quadruple cycle cosmique est appelé satya-youga. Qualifié d’âge de vérité, il a une durée de 1 728 000 ans et s’écoule sous l’influence maîtresse, ou gouna, de la vertu. Les gens y vivent jusqu’à 100 000 ans et possèdent une intelligence phénoménale.

D’une incomparable clarté d’esprit et naturellement ouverts à la science spirituelle, ils sont foncièrement paisibles et heureux, sobres, tolérants et bienveillants à l’égard de tous les êtres. Ils puisent leur satisfaction en leur for intérieur, voient tout d’un œil égal en lien avec l’Absolu, et ont pour intérêt premier la pleine réalisation de soi dans la conscience divine. Dans cet âge, la méthode recommandée par les Védas pour atteindre cet objectif est la pratique de la méditation sur le Brahman, le Paramatma et Bhagavan.

Notez qu’il n’y a pas de coupure brutale entre les âges. Les caractéristiques de chaque âge déclinent graduellement jusqu’au début de l’âge suivant.

L’âge d’argent

Le deuxième des âges d’un quadruple cycle cosmique est appelé treta-youga. Il a une durée de 1 296 000 ans et s’écoule sous l’influence maîtresse, ou gouna, de la passion. Les gens y vivent jusqu’à 10 000 ans suivant les principes qui régissent les divisions naturelles de la société et les différentes étapes de la vie humaine.

Ils appliquent avec soin les prescriptions védiques propres à favoriser le développement de la piété, de la prospérité et de la satisfaction des sens, et se montrent plus enclins que dans l’âge précédent à rechercher les honneurs, sans toutefois céder indûment à la convoitise et à la colère.

Les spiritualistes en quête de perfection à l’aune de la transcendance n’y sont plus majoritaires, et la méthode recommandée par les Védas pour se réaliser spirituellement dans cet âge repose sur l’accomplissement d’ascèses rigoureuses et de fastueux rituels nécessitant des ressources colossales et obéissant à des règles d’une grande complexité sous la direction d’officiants hautement qualifiés et le parrainage de dirigeants soucieux du bien ultime de leurs concitoyens.

L’âge de bronze

Le troisième des âges d’un quadruple cycle cosmique est appelé dvapara-youga. Il a une durée de 864 000 ans et s’écoule sous l’influence maîtresse, ou gouna, d’un mélange de passion et d’ignorance. Les gens y vivent jusqu’à 1000 ans, et tandis que le nombre d’intellectuels vertueux y décroît, celui des représentants de l’ordre et des administrateurs en quête de gloire, de richesse et de pouvoir y grandit considérablement.

Les principes védiques y sont encore à l’honneur, et les grandes familles y prospèrent et jouissent de la vie dans le respect des normes qui assurent l’harmonie sociale, si ce n’est que l’infiltration graduelle de la force d’inertie obscure propre au gouna de l’ignorance voit naître de plus en plus de manifestations d’orgueil, d’hypocrisie, d’envie, d’égoïsme et d’insatisfaction.

La longévité n’étant plus suffisante pour parfaire la pratique de la méditation canonique, non plus que les ressources nécessaires à l’accomplissement des rituels savamment élaborés de l’âge précédent, la méthode de réalisation spirituelle recommandée par les Védas passe ici par l’érection de temples majestueux où le culte des formes divines connues sous le nom de Mourtis se déroule en grande pompe.

L’âge de fer

Le quatrième des âges d’un quadruple cycle cosmique est appelé kali-youga. Aussi appelé l’âge de la discorde, il a une durée de 432 000 ans et s’écoule sous l’influence maîtresse, ou gouna, de l’ignorance, au sens d’ignorance des valeurs d’une saine humanité. Les gens y vivent jusqu’à 100 ans, et les qualités nobles s’y perdent très rapidement. Cet âge est celui dans lequel nous nous trouvons présentement; il a commencé il y a environ 5000 ans, le 18 février de l’an 3102 avant Jésus-Christ.

Les principes védiques qui régissent une société harmonieuse et la pleine réalisation de soi s’éteignent irrémédiablement, et les gens recherchent avant tout la facilité, ce qui favorise la tromperie et les manœuvres de domination et d’exploitation des plus faibles par les plus forts. La vertu, la pureté de corps et d’esprit, la véracité, la tolérance et la bienveillance, mais aussi la santé physique, la mémoire et l’intelligence sont en chute libre.

Les Puranas – couchés sur le papier à la fin de l’âge précédent – prédisaient déjà à quoi ressemblerait notre époque.

  • Plutôt que de veiller au bien de chaque citoyen, les dirigeants n’en auraient plus que pour le pouvoir, tandis que les populations ne cesseraient de s’appauvrir et de lutter pour combler leurs besoins les plus élémentaires, ce qui en pousserait plus d’un à se soustraire à ses obligations ou à abuser des systèmes en place par diverses pratiques malhonnêtes.

  • Les luttes de pouvoir entre sociétés, organisations et gouvernements verraient se multiplier le nombre et l’ampleur des conflits, jusqu’à déloger et anéantir des populations entières.

  • Le développement économique et la prospérité financière deviendraient les seules mesures de réussite sociale, professionnelle et personnelle, au détriment des valeurs communautaires d’entraide et de soutien à tous les échelons de la société.

  • Les notions d’identité et d’individualité s’y verraient réduites à des considérations de sexe ou de genre, et les unions n’auraient pour fondement que des facteurs d’attraction superficiels, sans égard à la reproduction ni à aucune forme d’engagement familial ou social.

  • La nature et ses ressources seraient de plus en plus exploitées sans tenir compte de ce que nombre d’entre elles ne sont ni inépuisables ni renouvelables, sans tenir compte de la pollution de l’air, de l’eau et de la terre qui en résulte, et sans non plus tenir compte des dérèglements que cela entraîne sur les plans écologiques et climatiques.

Alors qu’à peine 5000 ans du kali-youga sont écoulés, nous sommes déjà témoins de la réduction accélérée du pouvoir d’achat des individus et des familles, des conflits armés qui ne cessent d’exploser, des famines qui sévissent en plusieurs endroits du globe, et des catastrophes naturelles qui se succèdent plus rapidement qu’on n’arrive à colmater les dégâts. Compte tenu de l’incapacité des hauts dirigeants de ce monde à appliquer les mesures nécessaires pour rectifier la situation, et compte tenu du refus tacite des populations d’assainir leur mode de vie de façon significative, on ne peut qu’imaginer la direction que prendront les choses au cours des 427 000 ans qui restent à courir dans le présent âge!

Cela dit, dans cet âge comme dans les trois autres, il demeure possible de s’accomplir pleinement. Les conditions étant ce qu’elles sont, il faut toutefois oublier les longues et exigeantes pratiques yogiques d’antan, de même que les ascèses sévères, les rituels complexes et les cultes fastueux. La seule et unique méthode de réalisation spirituelle préconisée par les Védas à notre époque consiste à simplement chanter ou réciter, seul ou en groupe, les noms et les gloires du Divin.

Au-delà des saisons

Puisque les quatre âges forment un cycle et que ce cycle est appelé à se répéter, il peut être intéressant d’avoir une vue d’ensemble de ce qui se passe à plus grande échelle. Nous savons maintenant qu’un cycle de quatre âges couvre 4 millions 320 mille ans. Or, les Védas nous informent que 1000 de ces cycles forment ce qu’on appelle un kalpa, une unité de mesure qui a donc une durée de 4 milliards 320 millions d’années, et qui correspond à un jour de Brahma, le démiurge de l’univers, soit le premier être créé, responsable du développement ultérieur de la création. Et chaque nuit de Brahma est dite avoir une durée égale à ses journées, de sorte que 24 de ses heures dure 8 milliards 640 millions de nos années!

Si cela vous semble inimaginable, rappelez-vous que le temps n’a pas de valeur absolue, et qu’il est toujours mesuré par rapport à un critère de référence prédéfini. Il en découle que le temps n’est pas perçu de la même façon dans différentes dimensions. En guise de comparaison avec l’inconcevable longueur des jours et des nuits de Brahma, il suffit de songer à l’inconcevable brièveté de l’existence de certains insectes dont la vie entière ne dure que quelques-unes de nos heures, et se révèle donc environ 100 000 fois plus courte que la nôtre!

Il faut en outre savoir que chaque jour de Brahma se subdivise en 14 périodes appelées manvantaras, que chaque manvantara compte 71 cycles de 4 âges, et que chacune de ces périodes d’une durée de 306 millions 720 mille ans est précédée et suivie d’une période transitoire de 1 728 000 ans qui donne lieu à une dévastation partielle de l’univers suivie d’un repeuplement.

Et ce n’est pas tout! Brahma vit 100 ans, à raison de 360 de ses jours et de ses nuits par année, ce qui représente 72 mille kalpas, ou 311 billions 40 milliards de nos années terrestres, soit la durée totale de notre univers selon les Védas. Au terme de ce temps, survient une dévastation totale durant laquelle les âmes sont mises en dormance avant d’être réintroduites dans un nouvel univers. Il existe en effet, toujours selon les Védas, d’innombrables univers qui eux-mêmes naissent et meurent dans un cycle sans fin!

Histoire de nous situer dans cet infini: en date d’aujourd’hui, 5125 ans, 11 mois et 4 jours se sont écoulés depuis le début du présent kali-youga, qui se trouve dans le 28e kalpa du 7e manvantara de l’actuel jour de Brahma, lequel approche dès lors du milieu de sa vie. La fin du monde n’est donc pas pour demain!

Fait intéressant – et je vous laisse là-dessus –, ces données issues des Védas permettent de dater l’apparition de la vie sur Terre à il y a quelque 2 milliards 300 millions d’années, ce qui correspond à l’âge des plus vieux organismes trouvés par les paléontologues, notamment dans la formation Gunflint, au Canada.

Les saisons cosmiques