Pour guérir de l’aliénation qui corrompt la société actuelle et, au tout premier chef, chacun et chacune de nous, nous devons appréhender la source du mal et son remède. Pour ce faire, certaines questions toutes simples et parfaitement légitimes s’imposent. Les réponses qu’elles appellent nous orienteront vers un processus de guérison naturel grâce à une conscience élargie de la cause et de la finalité aussi bien de l’univers que de notre propre existence.
Voir le premier volet de cet article.
Le phénomène d’aliénation qui frappe l’humanité résulte fondamentalement d’une coupure de la réalité prise dans son ensemble. Si plus rien ne semble avoir de sens à nos yeux, c’est par aveuglement. Sans cesse bombardés de stimuli destinés à capter notre attention, nous sommes emportés dans un tourbillon de sollicitations sensorielles superficielles et éphémères qui ont pour effet de nous centrer sur nous-mêmes et de brouiller notre vision du monde. Pour qui veut bien se donner la peine de se les poser, quelques questions fondamentales suffisent pourtant à remettre les choses en perspective.
Où? Quand? Comment?
Nous sommes de plus en plus habiles à manipuler l’énergie solaire, l’énergie hydroélectrique, l’énergie nucléaire, l’énergie éolienne, l’énergie géothermique et l’énergie marémotrice. Mais nous ne pouvons que les harnacher et les canaliser à nos fins. Nous ne pouvons pas les créer. Aucun humain n’est capable de créer le vent, les marées ou le soleil, ni de produire l’énergie qu’ils génèrent. D’où viennent-elles donc, ces sources énergies?
Nous sommes devenus experts à fabriquer toutes sortes d’appareils, d’engins et de dispositifs plus sophistiqués et fabuleux les uns que les autres, des nanoprocesseurs aux stations spatiales. Mais nous ne pouvons qu’extraire, transformer, façonner et assembler – si savamment soit-il – les éléments dont se composent tous ces objets. Aucun humain n’est capable de créer les métaux précieux et les autres composants de base nécessaires à leur fabrication. D’où viennent donc tous ces éléments bruts? Réduits à leur plus simple expression, ils sont tous constitués d’atomes, me direz-vous. D’accord, mais alors, d’où viennent les atomes? Rien ne naît du néant comme par magie.
Et que dire du vivant? Nous ne pouvons pas même fabriquer un brin d’herbe ou un moustique. Que dire de l’infinie variété de fleurs, d’arbres et d’autres végétaux? Des innombrables couleurs et parfums de la nature? Ou des myriades d’espèces d’insectes, de reptiles, de poissons, d’oiseaux ou de mammifères? Vous croyez en l’évolution des espèces? D’où viennent donc les lois et les mécanismes qui régissent cette évolution? Rien ne s’autorégule ni ne s’ordonne de façon complexe par pur hasard, pas plus qu’en lançant des millions de lettres en l’air, elles risquent de nous fournir un dictionnaire en retombant!
La science attribue la naissance de l’univers à une sorte de Big Bang. C’est du moins la dernière théorie en lice, bien que les scientifiques eux-mêmes la modifient constamment et y reconnaissent plusieurs problèmes insolubles. Mais à supposer qu’on la retienne, n’y a-t-il pas lieu de se demander d’où venaient les ingrédients primordiaux nécessaires à ce Big Bang? Ou d’où viennent le temps et l’espace, qui, nous dit-on, n’existaient pas avant cet événement improbable? Et puisque le Big Bang en question est caractérisé par une violente et rapide expansion des éléments en présence, n’y a-t-il pas lieu de se demander ce qui a bien pu déclencher ce mouvement subit? Quelles en sont la cause et l’origine?
Oser se reconnecter à la source
L’aliénation des âmes que nous sommes vient essentiellement de ce que nous en sommes venus à faire abstraction de l’essence même de la vie, de la cause première de tout ce qui existe, de la source originelle de tout ce qui nous entoure. Nous nous prenons pour le nombril du monde alors que nous n’en sommes que de minuscules hôtes pendant un tout aussi minuscule instant dans l’éternité. Nous nous croyons les seigneurs et maîtres de la nature et de l’univers alors que nous ne contrôlons franchement que bien peu de choses.
Ouragans, inondations et autres phénomènes naturels nous balaient comme de simples microbes, et il suffit d’un microscopique virus pour nous anéantir par millions. Un minimum d’honnêteté et d’humilité s’impose donc pour guérir de l’aliénation qui persiste à nous maintenir sous sa coupe. Le secret de la guérison consiste en premier lieu à cultiver la capacité à s’émerveiller. Puis, dans un second temps, à renouer avec l’origine de tout ce qui est et la cause de l’émerveillement que suscitent toutes les manifestations de la nature et de la vie.
Pour définir cette origine et cette cause, n’ayons pas peur de parler d’une intelligence supérieure, car il en faut une pour créer toutes ces merveilles. De même qu’en présence d’un chef-d’œuvre, nous admirons naturellement le talent et la dextérité de l’artiste, il suffit de contempler le monde avec un semblable pouvoir d’émerveillement, en pleine conscience du génie créateur auquel nous devons le spectacle qui se déploie et se renouvelle sans cesse sous nos yeux, pour mettre fin à toute aliénation et nous sentir de nouveau reliés à la racine même de notre existence.
Sages et yogis exhortent depuis toujours leurs disciples à contempler le Suprême en eux et partout autour d’eux. À comprendre qu’ils font partie intégrante du Divin et qu’ils en sont d’infimes émanations fragmentaires. Allergique au Divin? Eh bien, appelez-le l’Infiniment Fascinant, le Bienheureux, ou tout simplement la Source. D’ailleurs, parlant du Bienheureux, il nous livre, dans la Bhagavad-gita, plusieurs façons de le percevoir et d’en faire l’expérience directe autour de nous, ce qui ne peut que nous aider à mieux comprendre d’où provient ultimement tout être et toute chose.
Apprendre à voir avec les yeux de l’âme
Du soleil je suis la lumière.
Bhagavad-gita, 7.8
Le soleil fournit en une seconde plus d’énergie que tous les habitants de la terre n’en pourraient jamais utiliser en des millions d’années. Le soleil est aussi pour nous la lumière: sans lui, l’univers entier resterait plongé dans les ténèbres. Or, le soleil lui-même n’est qu’un infime réceptacle de l’infinie radiance du Bienheureux.
Du feu je suis la chaleur.
Bhagavad-gita, 7.9
La chaleur produite par le feu nous permet aussi bien de faire tourner nos usines que de réchauffer nos demeures et de cuire nos aliments. Il s’agit d’une source d’énergie incontournable en ce monde, et le Bienheureux déclare être cette précieuse chaleur inséparable du feu.
De la terre je suis le parfum originel.
Bhagavad-gita, 7.9
Toute substance issue de la terre possède une fragrance qui lui est propre, que ce soit le pin, le citron ou la rose. Cette senteur pure et originelle émane du Bienheureux, qui donne à chaque chose son caractère unique.
D’entre les asservisseurs, je suis le temps.
Bhagavad-gita, 10.30
De tous les agents de subordination, aucun n’égale le temps, éternel et inexorable. Aucun empire ne lui résiste, et aucun être ne survit au temps qui lui est alloué. Il représente en cela le Bienheureux, qui seul en est maître.
Parmi les purificateurs, je suis le vent.
Bhagavad-gita, 10.31
Qui n’a pas goûté la fraîcheur d’un jour de brise, ou un de ces vents d’hiver qui vous glacent jusqu’aux os? Le vent souffle partout et purifie l’atmosphère, tantôt avec une violence inégalée, tantôt avec plus de douceur que l’eau de la rivière. Même le son qui l’accompagne inspire la pureté. Ainsi le vent se veut-il l’expression de l’omniprésence du bienheureux purificateur absolu.
Les manifestations de l’Infiniment Fascinant sont sans nombre, et toutes nous invitent à renouer avec nos racines divines. Quiconque réveille en soi ce sens de l’émerveillement gagne aussitôt en clarté mentale, morale et spirituelle, et quiconque le cultive à chaque instant obtient de jouir plus pleinement de son existence.
Ne soyons pas ingrats. Remercions et glorifions allègrement la Source de tout ce qui nous est si gracieusement donné. Nous n’en serons que plus en communion avec l’univers, avec les autres et avec nous-mêmes… et donc un peu moins aliénés, peut-être?
Que la Source soit avec vous!