La série consacrée à l’épopée du Mahabharata racontée par Normand Vanasse se poursuit…
Voir l’épisode précédent.
Krishna se rend à Indraprastha
Entouré de la cavalerie, d’éléphants majestueux et d’une imposante escorte royale, le char de Krishna prend la route. Bugles, tambours, trompettes, cornets, cors et conques retentissent tous ensemble, porteurs d’heureux augures. Les 16 108 reines de Dvaraka, avec à leur tête la déesse de la fortune, Rukminidevi – l’épouse modèle de Krishna –, suivent le Seigneur de près, accompagnées de leurs fils respectifs. Vêtues de riches habits, parées d’ornements divers, leur corps oint de pulpe de santal, une guirlande de fleurs parfumées à leur cou, elles voyagent sur des palanquins finement décorés de soie, de drapeaux et de garnitures d’or. Des soldats d’infanterie portant boucliers, sabres et lances assurent leur protection de part et d’autre.
À l’arrière de la colonne, à dos de chameau sur d’autres palanquins, suivent les épouses et les enfants de tous les autres membres de l’escorte. De nombreuses courtisanes accompagnent également le convoi, et de multiples bêtes de somme – bœufs, buffles, ânes et mules – portent les accessoires de campement, la literie et les tapis de sol. Grandiose spectacle que celui de cette caravane où se déploient riches étoffes, parures et couvre-chefs, éventails, ombrelles et fanions aux couleurs variées, entrecoupés du scintillement des armes reflétant les rayons du soleil. Ainsi la suite de Krishna progresse-t-elle vers Hastinapoura, traversant en chemin nombre de montagnes, de rivières, de villes, de villages, de pâturages et de mines à ciel ouvert.
Un accueil émouvant
Lorsque le roi Youdhishthira apprend que Krishna est aux portes de la capitale de son royaume, il en conçoit une joie telle, une extase si profonde que tous ses poils se dressent sur son corps. Il va sur-le-champ à sa rencontre afin de le recevoir comme il convient, et ordonne qu’on fasse résonner moult instruments, qu’on entonne des chants glorieux, et que les brahmanas érudits récitent d’une voix forte les hymnes des Védas. Cousin aîné de Krishna, Youdhishthira lui porte tout naturellement une grande affection, et dès qu’il l’aperçoit, son cœur s’emplit d’une dilection débordante, car de nombreux jours se sont écoulés depuis la dernière fois qu’il a vu le Seigneur.
Mû par un élan de joie sans bornes, le roi étreint Krishna à maintes et maintes reprises. Il en ressent aussitôt une félicité toute spirituelle et se fond dans un océan de bonheur. Des larmes coulent de ses yeux et son corps tremble, tant il est transporté d’extase. Puis Bhimaséna, le second des Pandavas, sourit et étreint à son tour le divin Krishna, pensant à lui comme à son cousin maternel. Lui aussi se voit plongé dans une profonde extase, et à tel point comblé par cette extase que s’efface de sa mémoire le fait d’être encore de ce monde. Puis, Krishna étreint lui-même les trois autres Pandavas – Arjuna, Nakoula et Sahadéva. Les yeux des trois frères s’inondent de larmes, et Arjuna, ami intime du Seigneur, le serre encore et encore contre lui. Quant aux deux cadets, après que Krishna les eut étreints, ils se prosternent à ses pieds et lui offrent leurs respects. Krishna présente ensuite son hommage aux brahmanas présents pour l’occasion ainsi qu’aux membres aînés de la dynastie Kourou, dont Bhishma, Drona et Dhritarashtra. De nombreux rois, venus de diverses provinces, se trouvent également présents, et Krishna échange vœux et respects avec leurs majestés.
Cœurs en fête
Entouré de panégyristes, de chantres, de musiciens, de danseurs et de bouffons, le Seigneur des seigneurs pénètre dans la grande cité d’Hastinapoura, qui tout entière resplendit d’opulence et dont les citoyens échangent à qui mieux mieux divers propos à la gloire de Krishna, louant son nom, ses attributs et sa forme sublimes. Rues et avenues ont toutes été aspergées d’eau parfumée par des éléphants agitant leur trompe en tous sens. Drapeaux et festons multicolores égaient les demeures. Aux carrefours importants ont été érigés des portails ornés d’or. Autant de splendeurs témoignant de la prospérité de la ville.
Tous les citoyens sont de la fête, vêtus de nouveaux habits aux couleurs flamboyantes, ornés de parures et de guirlandes de fleurs, et oints de parfums odorants. Chaque maison se trouve illuminée par des lampes disposées dans les moindres recoins des corniches, des murs, des colonnes, des socles et des architraves. On y brûle de suaves encens, dont les volutes s’échappent par les fenêtres, créant une atmosphère des plus agréable, et des cruches d’eau en or bordent les toits, brillant d’un grand éclat sous les rayons du soleil.
Krishna traverse ainsi la cité des Pandavas, prenant tout le temps de goûter la merveilleuse atmosphère qui y règne. La procession d’éléphants, de chevaux, de chars et de soldats captive les regards, et nombreux sont ceux qui montent sur les toits pour mieux contempler la scène. De voir Krishna et ses milliers d’épouses leur procure grand plaisir; ils déversent sur eux des pluies de fleurs, et étreignent le Seigneur en pensée, lui offrant une chaude réception.
D’émois en émois
En entrant dans le palais, Krishna est accueilli par sa tante Kounti, la mère des Pandavas, qui se lève aussitôt et s’élance vers lui pour l’étreindre avec tendresse. Le Seigneur offre avec charme son respect et ses hommages à Kounti et aux dames aînées du palais, auprès desquelles se trouvent également sa jeune sœur, Soubhadra, de même que Draupadi, l’épouse des Pandavas, qui toutes deux s’empressent d’offrir leur hommage respectueux aux pieds du Seigneur.
Le roi Youdhishthira est si confus dans sa jubilation qu’il oublie pratiquement ce qu’il doit faire à ce moment précis pour recevoir Krishna et le vénérer comme il convient. Sur un signe de sa belle-mère, Draupadi apporte alors des étoffes, des parures et des guirlandes qu’elle offre en geste d’accueil aux principales reines de Krishna – Rukmini, Satyabhama, Bhadra, Jambavati, Kalindi, Mitravinda, Lakshmana et Satya – sans oublier d’offrir ensuite aux autres une réception tout aussi digne d’elles.
Le roi Youdhishthira fait enfin le nécessaire en vue du repos de Krishna et veille à ce que tous ceux qui l’accompagnent – reines, ministres, secrétaires et soldats – soient confortablement logés. Ne lui reste plus qu’à procéder aux préparatifs nécessaires pour que chaque jour de leur visite soit marqué de célébrations, de banquets et d’attractions festives.