La série consacrée à l’épopée du Mahabharata racontée par Normand Vanasse se poursuit…
Voir l’épisode précédent.
Une invitation difficile à refuser
Au moment où le messager des rois emprisonnés par Jarasandha achevait sa requête et où s’élevaient les premières réactions de l’assemblée, arriva sur les lieux le sage et saint Narada. Ses cheveux étincelaient comme s’ils étaient d’or, et il sembla que le déva du soleil en personne faisait son entrée dans le palais d’assemblée.
Krishna est le Seigneur suprême, digne de l’adoration de tous, y compris de Brahma et de Shiva, les deux plus grands dévas. Et pourtant, à la vue de Narada, il se leva avec ses ministres et secrétaires pour recevoir le grand sage et lui offrir son hommage respectueux, tête inclinée. Après l’avoir invité à prendre place sur un siège confortable, Krishna lui offrit divers articles convenant à la digne réception d’un personnage de son importance, et s’adressa ensuite à lui en ces termes:
— Ô sage parmi les dévas! Comme tu es libre de voyager où bon te semble à travers les systèmes planétaires supérieurs, intermédiaires et inférieurs de cet univers, quelle n’est pas notre fortune de pouvoir nous enquérir des nouvelles des trois mondes lorsque tu nous fais grâce de ta présence. J’aimerais notamment savoir comment vont les Pandavas, et quels sont les plans immédiats du roi Youdhishthira?
— Cher Seigneur, répondit Narada, je ne sais que trop bien que tu es le maître absolu de l’entière manifestation cosmique, et que tes énergies inconcevables se déploient de telle sorte que même de puissantes personnalités tel Brahma, le régent de cet univers, restent incapables de mesurer ta puissance infinie. Je te sais aussi, cher Seigneur, présent dans le cœur de chacun en tant qu’Âme suprême, bien que nul ne puisse directement le percevoir de ses yeux matériels. Omniprésent et omniscient, tu as toute connaissance des nouvelles dont tu t’informes auprès de moi, mais te sachant toujours agir au profit de tous, je ne m’étonne nullement de tes questions.
Je t’informerai donc ouvertement des intentions de tes cousins, dont tu te veux le bienfaiteur. Tout d’abord, je dois te dire que le roi Youdhishthira jouit de toute l’opulence qu’il se peut obtenir dans le plus haut de tous les systèmes planétaires, au royaume de Brahma. Mais bien qu’il n’y ait de splendeur à laquelle il puisse aspirer, il souhaite accomplir le sacrifice du rajasouya, tenu pour suprême entre tous, afin de te satisfaire et d’obtenir ta compagnie. Le roi Youdhishthira ne demande rien pour lui-même. Il désire seulement te vouer son adoration afin de voir rejaillir ta miséricorde immotivée. Je t’implore donc de répondre à son invitation et de prendre part à ce prestigieux événement auquel assisteront les plus grands souverains de ce monde ainsi que tous les dévas.
Un choix diplomatique
Tout juste avant l’arrivée de Narada dans le palais d’assemblée, Krishna et ses ministres avaient commencé à débattre des mesures à prendre pour libérer les rois indûment emprisonnés par Jarasandha. Et compte tenu de la gravité de la situation, ce n’est pas de gaieté de cœur qu’ils accueillaient la proposition de Narada voulant que Krishna parte pour Hastinapoura afin d’assister au grand sacrifice que s’apprêtait à accomplir Maharaja Youdhishthira.
Choisissant judicieusement de ne frustrer ni les espoirs du messager des rois en détresse ni le souhait tout à fait légitime du roi Youdhishthira, de surcroît transmis par le sage Narada, Krishna se tourna en souriant vers Uddhava:
— Mon cher Uddhava, tu as toujours été mon ami intime et bienveillant. Face au dilemme auquel nous voilà confrontés, je sollicite donc ton conseil, que je sais toujours juste. Que dois-je faire selon toi? J’ai pleinement confiance en toi et je m’en remets à ton jugement, quel qu’il soit.
Uddhava savait fort bien que, même s’il agissait tel un homme ordinaire, Krishna jouissait de la parfaite connaissance du passé, du présent et du futur. Néanmoins, puisque le Seigneur avait choisi de le consulter, Uddhava se plia à sa requête et prit sagement la parole devant l’assemblée.
À suivre…