La série consacrée à l’épopée du Mahabharata racontée par Normand Vanasse se poursuit…
Voir l’épisode précédent.
Un royaume divisé
Après avoir écouté les propositions belliqueuses de Karna et Duryodhana quant au sort des Pandavas, Dhritarashtra crut bon de solliciter les avis du vénérable aïeul Bhishma, du maître d’armes Drona et du bienveillant Vidoura. Il les fit donc appeler à la cour.
Lorsqu’on lui demanda son opinion, Bhishma, l’aïeul, s’exprima ainsi:
— Ô Dhritarashtra, je ne consentirai pas à une querelle avec les Pandavas. Mon affection pour toi est égale à celle que j’avais pour ton frère Pandou, et cela est aussi vrai pour vos fils respectifs. Je crois qu’il vaudrait mieux conclure un traité avec eux et leur remettre la moitié du royaume. Duryodhana considère que le royaume lui appartient, et les Pandavas pensent de même. Dans les faits, les Pandavas sont les héritiers légitimes du trône. Si tu les agresses, Bhima aura raison de toi. Tu perdras alors ta réputation et tu seras déshonoré. N’es-tu pas conscient de ce que disent les citoyens? Leur affection pour les Pandavas est telle que si tu les extermines, ton avenir sera incertain. Il est dit que ceux qui perdent leur renom ne vivent qu’en vain, tandis que ceux qui atteignent la gloire par leurs actes vertueux vivent éternellement.
— Bhishma a prononcé de sages paroles, lança maître Drona. Que l’on donne la moitié du royaume aux Pandavas. Faisons-leur parvenir par messagers des paroles accueillantes ainsi que des richesses. Ô Dhritarashtra, dis à Youdhishthira que toi et ton fils êtes heureux de les savoir vivants. Une entente doit en outre être conclue entre les Kourous et la dynastie de Droupada. Les Pandavas doivent ensuite être reçus à Hastinapoura en grande pompe, et dûment intronisés. Voilà qui réjouira la population de la Terre entière.
— Ô roi, enchaîna Vidoura, Bhishma et Drona parlent pour ton bien. Ni l’un ni l’autre ne t’a jamais donné de mauvais conseils ni causé le moindre tort, mais tu ne les écoutes pas. Les propos de ton fils et de Karna ne mèneront qu’à la destruction de ta dynastie. Jamais les Pandavas ne pourront être vaincus au combat. Le divin Krishna et son frère Balaram sont leurs alliés; comment penses-tu donc parvenir à leur arracher le royaume? Ne te souviens-tu pas du jour où je t’ai dit que Duryodhana causerait la perte de ta famille?
Dhritarashtra prit enfin la parole:
— Bhishma, Drona et toi, Vidoura, avez parlé sagement. Les fils de Pandou ont aussi bien que mes fils droit à leur part du royaume. Je te prie donc, ô Vidoura, de te rendre dans le royaume des Panchalas et d’inviter les Pandavas à venir ici avec Draupadi, leur épouse. Et apporte avec toi de précieux présents – bijoux, chevaux, chars et or. Qu’il est plaisant de savoir que les Pandavas ont la fortune d’être encore en vie!
Sitôt arrivés, sitôt repartis
Vidoura se rendit alors à Kampilya et transmit aux Pandavas l’invitation de Dhritarashtra. Avec la bénédiction de Krishna et du roi Droupada, les Pandavas prirent aussitôt la destination d’Hastinapoura, «la ville des éléphants». Comme ils s’en approchaient, ils furent chaleureusement accueillis par les héros de la dynastie Kourou, dont Vikarna, Drona, Chitrasena et Kripa. Les citoyens se rassemblèrent par milliers autour des Pandavas rayonnants, tel le soleil du matin ravivant les fleurs de lotus.
En se mêlant à la foule, les cinq frères purent entendre ce que les gens disaient d’eux:
— Voici Youdhishthira, le premier fils de Pandou. Hautement versé dans les valeurs morales, toujours il nous protège, comme si nous étions ses proches.
— Il semble que le roi Pandou, après une longue absence, nous soit revenu. Si nous avons su faire la charité et vivre dans la vertu, que les Pandavas demeurent avec nous pendant au moins cent ans.
Les Pandavas entrèrent enfin dans la ville au son des trompettes, des bugles, des conques et des tambours de toutes sortes. Les citoyens agitaient leurs vêtements et lançaient des fleurs sur le chemin à leur passage. Youdhishthira, Bhima, Arjuna, Nakoula et Sahadéva, ainsi que leur mère, la reine Kounti, rejoignirent ainsi le palais d’Hastinapoura, où ils se prosternèrent aux pieds de Dhritarashtra et de Bhishma, pour ensuite se rendre dans les appartements qu’on leur avait assignés.
Après un bref repos, Dhritarashtra les appela à la cour et leur adressa ces mots:
— Ô Youdhishthira, écoute mes paroles. J’aimerais que vous vous établissiez à Khandavaprastha afin d’éviter tout différend entre mes fils et votre famille. Je suis persuadé que rien ne vous arrivera si vous allez y vivre, car vous êtes sous la protection du puissant Arjuna. De là, vous pourrez dès maintenant gouverner la moitié du royaume.
Les Pandavas acquiescèrent à la proposition de Dhritarashtra, et prirent sans tarder la direction de Khandavaprastha.