La série consacrée à l’épopée du Mahabharata racontée par Normand Vanasse se poursuit…
Voir l’épisode précédent.
Les Pandavas quittent Ekachakra
Après avoir entendu le pèlerin en visite à Ekachakra leur parler de la belle Draupadi, les Pandavas se sentirent transpercés par les flèches de Cupidon. Au point d’en être profondément perturbés. Remarquant l’inattention et l’agitation de ses fils, Kounti s’adressa à eux.
— Nous vivons depuis assez longtemps dans la demeure de ce brahmana hospitalier; nous devons maintenant partir. Le royaume des Panchalas me semble un endroit tout désigné. Nous n’avons pas encore visité cette région, et je suis persuadée qu’un séjour en ces lieux nous sera agréable.
Les cinq fils de Kounti – Youdhishthira, Bhima, Arjuna, Nakoula et Sahadéva – acquiescèrent à la proposition de leur mère et planifièrent aussitôt leur périple.
Pendant les préparatifs du voyage, Vyasadéva, le fils de Satyavati, entra dans la maison du brahmana. Les Pandavas offrirent aussitôt leur hommage au grand sage, puis un siège, de l’eau, de la nourriture et des paroles apaisantes. Vyasa leur dit alors:
— Dans la ville de Kampilya, au pays des Panchalas, habite le roi Droupada. Il a une fille merveilleusement belle nommée Draupadi, et elle est destinée à devenir votre épouse. Bientôt se tiendra une cérémonie au cours de laquelle elle choisira l’élu de son cœur. Rendez-vous donc là-bas et obtenez sa main. Elle vous satisfera tous grandement.
Après avoir prononcé ces mots, et ainsi confirmé l’intuition de Kounti, le sage quitta les lieux pour s’en retourner à son ermitage. Les Pandavas, quant à eux, prirent sans tarder la direction du royaume de Droupada.
Fâcheuse rencontre
En longeant les rives du Gange, ils atteignirent à la nuit tombée un endroit où plusieurs brahmanas rendaient un culte à Shiva et où un Gandharva se baignait avec sa reine. Arjuna ouvrait la marche une torche à la main, suivi de ses frères et sa mère en file indienne.
Les voyant approcher, le Gandharva sortit de l’eau et monta sur son char. Il prit son arc, le banda à pleine tension et interpella les Pandavas:
— Tous savent que la nuit, ces eaux sacrées sont réservées aux Gandharvas, aux Yakshas et aux Rakshasas. Les humains peuvent s’y baigner, mais le jour seulement. Il vaut donc mieux ne pas vous en approcher si vous tenez à la vie. Je suis un ami de Kouvéra, le trésorier des planètes célestes. C’est lui qui m’a fait don de cette forêt, et j’y suis chez moi. Vous avez donc intérêt à quitter les lieux sans plus attendre.
— Pauvre d’esprit! lui répond Arjuna. Que ce soit le jour, la nuit, à l’aube ou au crépuscule, qui peut empêcher quiconque de s’approcher du Gange? Il coule des pieds pareils au lotus de Vishnou, et possède de ce fait un pouvoir purificateur. Tous les êtres vivants peuvent en bénéficier, et ce, en tout temps. Comment oses-tu donc nous empêcher d’en approcher et de nous y abreuver?
Ces paroles d’Arjuna firent monter la colère du Gandharva, qui se mit aussitôt à lui lancer des flèches aussi mortelles que la morsure d’un serpent venimeux. Mais Arjuna les neutralisa toutes à l’aide de sa torche et de son bouclier. Puis, il s’adressa de nouveau au Gandharva:
— N’essaie pas d’effrayer ceux qui savent manier les armes. Si tu t’en crois capable, défends-toi contre celle-ci.
Arjuna lui lança alors sa torche, investie d’une puissance surnaturelle. Le Gandharva en perdit connaissance et tomba au sol, pendant que les flammes consumaient son char. Arjuna saisit le malotru par les cheveux et, le traînant par terre, l’amena devant ses frères.
Un nouvel allié
Lorsqu’il reprit conscience, le Gandharva dit à Arjuna:
— J’ai été vaincu par toi; je ne saurais donc vanter mes prouesses, bien que nous, Gandharvas, sachions normalement produire des illusions surnaturelles. Je reconnais ta valeur exceptionnelle, et c’est pourquoi j’aimerais te donner cent chevaux qui jamais ne se fatiguent sur le champ de bataille. Je te demande toutefois, en retour, de me donner ton arme de feu.
— Soit. Je consens à ce que cet échange scelle notre amitié. Mais dis-moi, pourquoi nous avoir interdit l’accès au Gange? Tu dois bien avoir une raison précise, puisque, de toute évidence, nous ne craignons pas les Gandharvas.
— Nous savons tous que les kshatriyas sont guidés par les brahmanas. Mais votre éducation est désormais terminée, et vous voyagez depuis un certain temps déjà sans qu’aucun brahmana ne vous accompagne. Quelle est donc votre situation? Vous n’avez aucun statut social. Voilà pourquoi je vous ai défié de la sorte.
Je vous suggère d’affermir votre position en vous rendant dans la forêt voisine, où se trouve un lieu saint habité par un brahmana du nom de Dhaumya. Il s’y livre à la méditation et à une ascèse rigoureuse, et acceptera peut-être de devenir votre gourou. Il possède une intelligence supérieure, et pourrait sans nul doute vous prodiguer de sages conseils en temps opportun.
Arjuna remit alors son arme de feu au Gandharva et lui demanda de garder les chevaux jusqu’au jour où il les lui demanderait.
Les Pandavas se rendirent alors auprès de Dhaumya, et lui reconnurent aussitôt d’excellentes qualités. Ils lui demandèrent donc de devenir leur prêtre et conseiller. Dhaumya ressentit quant à lui un attachement spontané pour les Pandavas, si bien qu’il accéda à leur requête séance tenante.
Les Pandavas s’en trouvèrent grandement confortés. Ils se sentirent en fait si fortunés d’avoir Dhaumya comme prêtre et guide qu’ils furent persuadés de conquérir le cœur de Draupadi et de retrouver leur royaume. Ils demandèrent alors à Dhaumya de les accompagner jusqu’à Kampilya pour les y aider à obtenir la main de la princesse, ce qu’il accepta de bon gré. Ils se rendirent donc tous ensemble dans le royaume des Panchalas.