Dans la série «Les neuf clés de la bhakti».
Voir le volet précédent.
Une nouvelle sorte de yoga? Pas exactement. Puisque le yoga a pour but de nous rapprocher toujours plus de l’Absolu, toute pratique qui va en ce sens mérite l’appellation de yoga. Et les neuf formes d’activités propres au bhakti-yoga visent précisément le rétablissement de la relation intime qui nous unit au Divin.
La toute première de ces activités est l’écoute active (shravana). La première, et sans conteste la plus importante. Elle est en effet essentielle sous tous les angles de notre évolution. L’écoute de notre corps nous permet de détecter les signaux de détérioration ou d’amélioration de notre santé physique. L’écoute de notre «petite voix intérieure» nous aide à faire les meilleurs choix de vie. L’écoute de l’autre s’avère incontournable pour assurer le développement et le maintien de saines relations. Et l’écoute de la nature détermine une grande partie de notre qualité de vie.
L’écoute est synonyme d’ouverture et d’accueil. Sans elle, nous nous assoyons sur nos acquis et nous restons sur nos positions. Nous interprétons et jugeons tout ce qui vient de l’extérieur à la lumière de nos croyances et de nos connaissances actuelles. Pour continuer d’apprendre et pour évoluer sur tous les plans, nous devons constamment nous rappeler de pratiquer l’écoute active.
Élixir de vie
Dans le cadre du bhakti-yoga, l’écoute active consiste à prêter une oreille attentive aux vibrations sonores empreintes d’énergie spirituelle. Cette qualité vibratoire a un effet purificateur sur le corps, le cœur et l’esprit. Elle favorise l’élimination de nombreux blocages dus à une conception matérielle de la vie. Elle libère la conscience des entraves qui retiennent l’âme prisonnière de son corps. Et elle ouvre la voie à une connaissance et un amour croissants du Suprême sous toutes ses formes.
Le Garuda Purana souligne l’importance de l’écoute en ces termes:
«L’âme conditionnée par l’énergie matérielle se compare à une personne rendue inconsciente par la morsure d’un serpent, en ce que le son d’un mantra peut sortir l’une et l’autre de leur torpeur.»
Lorsqu’une personne est mordue par un serpent venimeux, elle ne meurt pas immédiatement. Elle devient d’abord inconsciente et sombre dans un état comateux. La modulation de certains mantras permet cependant à un maître de cette pratique de ramener une telle personne à la vie.
De même, une personne ignorante du soi et de son rapport au Divin pour avoir été mordue par le serpent de l’illusion matérielle se trouve dans un état spirituellement léthargique, endormie à la réalité. Mais l’écoute de mantras appropriés a le pouvoir de raviver sa conscience originelle.
De la bouche des sages
Une autre forme d’écoute primordiale en spiritualité consiste à prêter une oreille attentive aux enseignements d’âmes réalisées, à même de nous révéler les attributs, les activités et les gloires sublimes du Divin. Le Shrimad-Bhagavatam met l’accent sur cette pratique en ces termes:
«Une personne a tout intérêt à accueillir les flots de nectar qui coulent des lèvres des maîtres accomplis. En devenant avide d’entendre encore et encore ces sons purement spirituels, elle s’affranchira bientôt de la faim, de la soif, de la peur et de l’illusion dans laquelle la plonge l’existence matérielle.»
Shrimad-Bhagavatam 4.29.40
À l’époque où nous vivons, il est pour ainsi dire impossible d’observer tous les principes et pratiques yogiques recommandés par les Védas en des temps plus cléments. N’importe qui peut cependant pratiquer l’écoute active des vibrations sonores qui émanent de la bouche de bhaktas initiés aux voies de la transcendance, et en retirer les plus grands bienfaits qui soient.
Écouter l’écrit
Selon Roupa Gosvami, un illustre maître du bhakti-yoga, tout écrit qui éclaire le lecteur sur la connaissance et l’amour du Divin doit être tenu pour révélé et libérateur. De tels écrits résonnent dans l’esprit de ceux et celles qui y concentrent leur attention, et ils les affranchissent de toute méprise quant à la nature véritable du soi et de l’Absolu.
Lorsque Krishna échange avec Arjuna dans la Bhagavad-gita, par exemple, on pourrait n’y voir qu’une conversation entre deux amis. Mais les propos divins qui émanent de la bouche de Krishna sont riches d’enseignements transcendants, et en s’imprégnant de leur musique, de leur teneur et de leur portée, Arjuna voit toutes ses appréhensions et ses illusions se dissiper.
On peut donc aussi pratiquer l’écoute d’écrits débordants de spiritualité vivante.
L’important, en fin de compte, c’est de concentrer son écoute sur des sources vibratoires porteuses de réalisations spirituelles non seulement édifiantes, mais libératrices. C’est d’élever son écoute à un niveau supérieur sous l’effet de l’attrait qu’exerce naturellement tout ce qui touche la dimension spirituelle. C’est d’être captivé par la transcendance et le Divin jusqu’à les percevoir en chaque être et en toutes choses.
« L’écoute des gloires du Bienheureux à travers les écrits védiques et l’écoute directe de ses enseignements dans la Bhagavad-gita sont des pratiques sublimes. L’Âme suprême, présente dans le cœur de chacun, guide avec bienveillance toute personne qui s’y engage et la purifie de l’intérieur, si bien que cette personne voit tout naturellement s’éveiller en elle son savoir spirituel latent. Plus elle entend les gloires du Bienheureux des lèvres des âmes réalisées, plus elle aspire à le servir et plus ses actes s’imprègnent d’amour et de dévotion, plus elle se libère des influences de la passion et de l’ignorance, et plus elle voit s’atténuer en elle la concupiscence et la convoitise. Elle s’établit alors dans la pure vertu et saisit pleinement la science du Divin. Ainsi le bhakti-yoga permet-il de trancher le nœud gordien des attachements nés de l’identification à la matière et d’accéder directement à la réalisation sans faille de la Vérité Suprême et Absolue, de l’Être Divin et Souverain.»
Shrimad-Bhagavatam 1.2.17-21
Tel est le pouvoir de l’écoute!