Filet - Catégorie - Il était une fois
La mort de Socrate
Tableau de François Xavier Fabre (1802)
Musée d’art et d’histoire de Genève

Il est toujours sage de questionner le bien-fondé de ses propres propos et de ceux que l’on répercute.

En Grèce ancienne, la sagesse de Socrate n’était un secret pour personne. Ses raisonnements et ses arguments brillaient dans les débats avec ses pairs, mais aussi dans ses échanges de tous les jours avec les gens qui le côtoyaient.

Entre autres situations propices à quelque enseignement, il se trouve qu’un membre de son cercle élargi approcha un jour le grand philosophe et lui dit:

— Savez-vous ce que je viens d’entendre au sujet de votre meilleur ami?

— Halte là! Avant de m’en informer, répondit Socrate, permettez-moi de procéder au test des trois cribles.

— Des trois cribles?

— Oui, ou des trois filtres, si vous préférez. Car, avant de dire quoi que ce soit d’autrui, il convient de filtrer, de passer au crible ce que l’on s’apprête à dire. C’est ce que j’appelle le test des trois cribles.

— Je vois. Et en quoi ce test consiste-il au juste?

— Le premier crible est celui de la vérité. Avez-vous pris la peine de vérifier si ce que vous voulez me dire est vrai?

— Pas vraiment. J’ai simplement entendu quelqu’un le dire au cours d’une conversation.

— Vous ne savez donc pas si c’est vrai. Très bien. Maintenant, dites-moi, est-ce que les propos que vous voulez me répéter concernant mon ami sont élogieux? Le second crible est en effet celui de la bienveillance.

— Force m’est d’admettre que ce n’est pas le cas. Bien au contraire.

— Si je comprends bien, vous voulez me dire quelque chose de désagréable à propos de mon meilleur ami sans savoir si cela est vrai ou non. Très bien. Peut-être alors le troisième crible, celui de la pertinence, compensera-t-il les deux autres. Est-il vraiment utile que je sache ce que vous vous apprêtez à me dire?

— Probablement pas, je l’avoue.

— Somme toute, conclut Socrate, ce que vous êtes venu me dire n’est peut-être pas vrai, ni positif, ni vraiment utile. Pourquoi donc, dites-moi, voudriez-vous m’en faire part?

Les qu’en-dira-t-on, les bavardages et les paroles en l’air peuvent à prime abord paraître divertissants, mais ils emplissent nos cœurs de fiel et finissent par nous empoisonner.

Combien de temps avons-nous à perdre en vaines platitudes, en médisances ou en échos sans substance? La vie est courte, dit-on souvent. Vivons-la dans la vérité, la bienveillance et la pertinence.

Le test des trois cribles