… et pas nécessairement à la fin de nos jours. Le fait est que si nous avons quitté le monde spirituel, lui ne nous a jamais quitté!
« Fils et filles immortels du royaume divin,
Svetashvatara Upanishad, 2.5
entendez les sages qui vous en indiquent le chemin. »
Notre intelligence duelle peut nous porter à croire que si le monde spirituel s’oppose au monde matériel, il doit se trouver en dehors de celui-ci, à des années-lumière d’où nous vivons actuellement. Ne parle-t-on pas d’ailleurs de l’Au-delà comme d’une destination éloignée de notre univers terrestre et cosmique?
Une juste compréhension des choses exige une réflexion plus poussée, à la lumière des multiples indications fournies d’âge en âge par les maîtres du savoir, à commencer par le Bienheureux lui-même dans la Bhagavad-gita :
« Le royaume suprême est non manifesté et impérissable. »
Bhagavad-gita, 8.21
Si le monde spirituel est impérissable, il est clairement distinct du monde matériel, où tout est périssable. Mais le terme clé, ici, est «non manifesté», ce qui veut dire que le monde spirituel ne peut pas être une destination au sens d’un lieu accessible par un déplacement physique d’un point A à un point B. Aucun moyen de transport ne permet d’atteindre un lieu non manifesté, donc impalpable et invisible à nos yeux d’humains.
Une image qui en cache bien d’autres
Ainsi l’image du Paradis comme un royaume céleste à atteindre au terme de notre vie terrestre n’est-elle que cela… une image. Une image néanmoins riche d’évocations, en ce qu’elle nous invite à prendre conscience d’une tout autre réalité que celle que nous nous sommes fabriquée en revêtant un corps de chair et d’os. Une réalité éternelle et immuable plutôt que temporaire et changeante. Une réalité où tout est vérité, libre de toute illusion trompeuse et de toute conception erronée de la vie. Une réalité empreinte de joie et de sérénité, étrangère aux hauts et aux bas de notre quotidien.
Car, «non manifesté» ne veut pas dire «non existant». Les Védas, notamment la Brahma-samhita, le Shrimad-Bhagavatam et les Puranas en général, fournissent d’ailleurs des descriptions détaillées du monde spirituel.
« En ce royaume baigné d’amour, les demeures sont faites de pierres philosophales, des arbres-à-souhaits produisent une infinie variété de fruits, et les vaches donnent leur lait sans compter. Chaque parole y est un chant, et chaque pas, une danse. »
Brahma-samhita, 5.29
Imagerie symbolique ou description factuelle? Ne vous torturez pas trop les méninges avec ça. Comprenez plutôt que nous vivons dans un univers multidimensionnel dont nombre de dimensions échappent à nos facultés perceptuelles. Et que le Paradis dont il est question se veut l’expression des possibilités infinies qui s’offrent à nous sur le plan spirituel.
Notre champ de conscience est obscurci par notre identification et notre attachement à la dimension matérielle de l’univers, avec toutes les contraintes spatiotemporelles que nous lui connaissons. Autrement dit, nous n’exploitons sur le plan physique, mental, émotionnel et intellectuel qu’une infime partie des ressources qui s’offrent à nous. Le plan matériel nous livre une vision incomplète de la réalité; il n’est qu’un pâle reflet du plan spirituel.
Les yeux du cœur
Pour voir au-delà des barrières grossières et subtiles qui nous cachent la vue de la dimension paradisiaque, il nous faut cependant des yeux tout autres que ceux que nous utilisons pour écrire et pour lire ces lignes.
«L’essentiel est invisible pour les yeux», disait le Petit Prince de Saint-Exupéry, et la vision requise pour voir l’essentiel ou le non-manifesté ne s’acquiert qu’en affinant la conscience de notre véritable moi. Ce moi aujourd’hui enfoui sous de multiples couches de désignations acquises de nos parents, de nos enseignants, de nos employeurs, de nos collectivités, de nos dirigeants, et j’en passe. Nous nous identifions à un tas de choses sans substance et sans durée, et nous croyons qu’il s’agit là de notre vrai moi, mais c’est précisément ce moi illusoire fabriqué de toutes pièces qui nous interdit l’accès à la dimension spirituelle et paradisiaque.
Comment donc affiner notre conscience et percer toutes ces couches brumeuses qui nous cachent le soleil de la vie rayonnante à souhait? En balayant les interférences causées par les images trompeuses que nous avons de nous-mêmes et en nous recentrant sur notre moi intime. «On ne voit bien qu’avec le cœur», disait encore le Petit Prince. C’est en effet dans le cœur que siège l’âme, d’où elle rayonne dans tout le corps, et seuls les yeux du cœur détiennent la clé du Paradis.
Plus nous ramenons les choses à l’essentiel en dissipant les futilités qui dispersent nos pensées, nos sentiments et nos énergies, plus la dimension spirituelle nous apparaît clairement. Plus nous accordons de place à la réflexion, à l’écoute, à l’étude, à la méditation et au recueillement, plus les différents aspects de notre existence prennent du sens, plus nous devenons sensibles aux lois de l’univers, et plus nous nous rapprochons de l’Absolu et de son divin royaume.
Pourquoi donc attendre plus longtemps? Le Paradis est à notre portée et il nous attend, ici et maintenant!