La notion de maître est aussi centrale en spiritualité qu’elle peut l’être en arts martiaux, en musique ou dans toute autre discipline exigeant des connaissances et un savoir-faire de haut niveau. Peut-être même plus encore, vu l’importance de l’enjeu. Encore faut-il trouver le bon maître, car le maître se décline en plusieurs versions.
Quel que soit le but de notre quête, non seulement l’approche d’un maître compétent permet-elle de gagner du temps, mais elle nous évite de mal interpréter ce que nous pouvons lire et entendre, par manque de vision d’ensemble. Cela dit, comme je l’explique dans Vivre ma spiritualité aujourd’hui, il y a différents types de maîtres. On en distingue généralement trois: le professeur, le mentor et le coach.
Le professeur est celui qui transmet un savoir acquis de façon magistrale et structurée afin d’en faciliter la compréhension et l’assimilation. C’est le modèle de l’enseignant, dont la fonction est d’informer et d’instruire. On l’écoute et on le questionne en s’efforçant de saisir la matière afin d’acquérir des connaissances plus ou moins poussées dans un domaine donné.
Le mentor est celui qui possède une vaste expérience personnelle et qui s’offre à la partager au profit de quiconque souhaite en bénéficier. C’est le modèle du parrain ou du maître à penser, dont le rôle est de conseiller et d’accompagner. On se prévaut surtout de sa gouverne dans les milieux d’affaires et professionnels — où l’expérience d’un tiers peut faire toute la différence entre l’échec et la réussite —, mais aussi dans d’autres sphères où son appui est jugé salutaire.
Le coach est celui dont la mission est de nous amener là où nous voulons aller, en nous aidant à définir les étapes à suivre et les dispositions à prendre pour atteindre nos objectifs. Il répond à un besoin ciblé qu’il s’efforce de combler par le biais d’une approche systématique et coopérative. C’est le modèle du formateur et de l’entraîneur. Coach de vie, coach sportif, coach d’affaires… On le retrouve partout où il s’agit de maîtriser une technique particulière ou de parfaire une démarche personnelle.
De la dimension matérielle à la dimension spirituelle
À ces trois types de maîtres courants s’ajoute celui du maître spirituel, aussi appelé guide spirituel ou père spirituel. Tout en s’apparentant aux maîtres décrits ci-dessus, il appartient à une classe distincte, car son champ d’action et de compétence déborde de celui du simple professeur, mentor ou coach. Une classe distincte qui se subdivise d’ailleurs elle-même en trois branches.
Le premier type de guide spirituel est celui du maître intérieur. Ange gardien pour les uns, voix de la conscience pour d’autres, les Upanishads le décrivent comme une manifestation divine présente en chacun de nous. Tel un mentor, il parle à qui sait l’entendre et s’offre à guider nos pas chaque fois que le besoin s’en fait sentir. Certains perçoivent clairement sa présence et entretiennent un dialogue avec lui dans le but de valider leurs choix et de parfaire leur existence; d’autres moins, ou pas du tout. Reste qu’il a la particularité d’être toujours disponible, ce qui n’est pas le cas des deux autres types de guides spirituels.
Le deuxième est le maître instructeur, qui tient à la fois du professeur et du coach. Par sa connaissance des textes faisant autorité en la matière, sa compréhension des enseignements des grands maîtres et son expérience vécue de la spiritualité, il est à même d’instruire, de guider et d’inspirer ceux et celles qui désirent trouver des réponses claires à leurs questions existentielles et vivre pleinement leur propre spiritualité.
Le troisième est le maître initiateur. Outre les fonctions du maître instructeur, il cumule celles de mentor et de père. Parfaitement versé dans la science spirituelle, il enseigne par l’exemple et mène une vie exemplaire à tous les égards. Ainsi possède-t-il les qualités requises pour accepter des disciples et les prendre sous son aile avec autant de soin et d’attention que s’ils étaient ses propres enfants. Il met alors tout en œuvre pour les encourager dans leur quête et les amener à atteindre le niveau de réalisation et d’accomplissement auquel ils aspirent. C’est à cette catégorie qu’appartiennent les grands maîtres de l’histoire.
Un cadre de référence interdimensionnel
Les trois types de maîtres spirituels ont ceci de particulier qu’ils se complètent mutuellement et se révèlent en parfait accord de principe les uns avec les autres, ce qui permet d’écarter les interprétations divergentes, capricieuses ou fantaisistes. Il en découle que, pour éviter de se tromper soi-même, il vaut toujours mieux valider ses perceptions et ses réalisations intimes auprès d’un maître instructeur ou initiateur, au-delà du seul maître intérieur.
Dans le même esprit, les enseignements et les instructions d’un maître authentique ne peuvent, à l’intérieur d’une voie spirituelle donnée, s’opposer à ceux des textes de référence ni à ceux des maîtres avérés qui l’ont précédé. Son rôle n’est pas d’inventer, mais de transmettre, d’expliquer et de guider suivant des principes éprouvés. Le cas échéant, notre guide intérieur sera tout à fait d’accord avec lui, et nous saurons ainsi que nous sommes sur la bonne voie.
Nous avons vu que le maître intérieur est toujours accessible. Il ne tient donc qu’à nous d’être attentif et sensible à ses conseils et directives. Nous avons d’ailleurs tout intérêt à cultiver notre rapport avec lui, dans la mesure où il est là pour nous aider à valider les enseignements qu’on nous propose de l’extérieur. Autrement dit, il nous permet d’aiguiser notre jugement.
Le maître instructeur peut quant à lui être toute personne qui nous aide à progresser sur la voie de la réalisation spirituelle. Il peut lui-même, éventuellement, devenir maître spirituel initiateur, pourvu qu’il ait développé les qualités requises et qu’il soit prêt à assumer les responsabilités qui en découlent. Mais il n’est pas nécessaire que la relation aille en ce sens. On peut d’ailleurs avoir plusieurs maîtres instructeurs, alors qu’on a idéalement un seul maître initiateur.
Pour ce qui est du maître initiateur, on peut bien sûr le chercher en faisant le tour des ashrams, des temples et des centres voués à la diffusion des enseignements spirituels, mais le fait est qu’il croise le plus souvent notre route lorsque nous sommes prêts à le reconnaître et disposés à marcher dans ses traces pour pousser plus loin notre quête.
La dimension personnelle avant tout
Ajoutons, pour conclure, que maître et disciple doivent mutuellement se reconnaître et s’accepter. L’éventuel disciple a le devoir d’évaluer les connaissances, les qualités et les compétences d’un maître avant de s’en remettre à lui. Et le maître authentique juge toujours de la sincérité et du sérieux d’une personne avant de l’accepter comme disciple et de l’initier. L’initiation n’est d’ailleurs ni plus ni moins qu’un rite de passage destiné à sceller cette reconnaissance mutuelle et l’engagement que prennent les deux parties l’une envers l’autre — instruire, guider et soutenir dans le cas du maître; écouter, questionner et appliquer les instructions du maître dans le cas du disciple.
Toutes les traditions ont des guides spirituels — hommes et femmes — de divers ordres, et des rites de passage qui leur sont propres. Toute personne désireuse de se développer spirituellement peut donc obtenir le soutien voulu auprès de personnes compétentes à la hauteur de ses besoins et de ses aspirations.
Certains tiendront à sceller leur quête spirituelle par une forme ou une autre d’initiation, alors que d’autres se satisferont de leurs échanges avec leur maître intérieur et un ou plusieurs maîtres instructeurs. En dernière analyse, l’important reste toutefois d’accepter d’être guidé dans sa démarche pour éviter d’inutiles méprises et mésaventures.
L’ouverture à élargir ses horizons intérieurs au contact d’un guide favorise l’apprentissage de la spiritualité.