Un mystérieux quidam en mal de pensée positive investit subrepticement les réseaux sociaux depuis quelques années en proclamant qu’en Inde, on enseigne «Les quatre lois de la spiritualité».
Prenant bien soin de conserver l’anonymat, il (ou elle?) mise sur l’aura de sagesse dont l’Inde est nimbée pour inciter ses victimes à répercuter son message, et ça marche! D’autant plus que les gens se disent tout naturellement : «Tiens, je ne savais pas qu’il y avait quatre lois de la spiritualité. Ça va sûrement intéresser tous mes amis.»
L’enquêteur chargé du dossier a cependant découvert qu’aucune lignée de maîtres, aucune école de pensée ni aucun texte de l’Inde n’enseigne les lois en question. Il s’est en outre avéré que ces lois ne sont stipulées nulle part, ni en Inde ni ailleurs. Elles n’existent tout simplement pas! Et pour comble, elles sont complètement fausses! Il n’en fallait pas plus pour que les autorités se saisissent de l’affaire.
Quelles que soient les intentions cachées de l’insidieux personnage et quelque habile que soit sa manœuvre, un avis détaillant les tenants et les aboutissants de l’enquête est ci-après transmis à la population pour tenter d’endiguer le nombre d’innocentes victimes du faussaire masqué.
Méfiez-vous des lois qui n’en sont pas
La première loi dit : «La personne qui arrive est toujours la bonne personne». Personne n’entre dans notre vie par hasard. Toutes les personnes qui interagissent avec nous sont là pour nous apprendre à progresser dans toutes les situations.
S’il est évident qu’on peut apprendre quelque chose de toutes les personnes avec lesquelles on interagit, il est complètement faux de dire que chacune de celles qu’on croise est «la bonne pour nous». Même les plus fervents disciples de l’amour universel savent que tout le monde ne nous veut pas que du bien, et que nous devons parfois écarter certaines personnes de nos vies pour éviter d’être abusés par elles.
La deuxième loi dit : «Ce qui est arrivé est la seule chose qui pouvait arriver.» Rien, absolument rien de ce qui est arrivé dans notre vie n’aurait pu être autrement. C’est comme ça que nous apprenons les leçons de la vie. Chaque situation qui survient dans notre vie est idéale, même si notre esprit et notre ego sont réticents à l’accepter.
Il est aussi complètement faux de dire que toute chose qui nous arrive est la seule qui pouvait arriver. Cette forme d’absolutisme relève de la fatalité et va à l’encontre du libre arbitre dont jouit chaque être humain. Nous avons toujours entièrement le choix de nos actes, nous en sommes seuls responsables, et nos choix seuls, bons ou mauvais, déterminent ce qui nous arrive.
La troisième loi dit : «Le moment où les choses se passent est toujours le bon moment.» Tout commence au bon moment, pas avant ni après. Quand nous sommes prêts à vivre quelque chose de nouveau, c’est alors que ça se passe.
Il est également faux de dire que tout commence au bon moment. Nos erreurs viennent d’ailleurs souvent de ce que nous agissons trop tôt, trop tard, ou pas du tout. La vie n’attend pas après nous; elle suit son cours, que nous soyons prêts ou non. Le choix du juste moment est primordial en tout, et il nous appartient pleinement.
La quatrième loi dit : «Quand une chose se termine, c’est fini.» Point final. Si une chose prend fin dans notre vie, c’est pour nous faire évoluer. Il faut éviter de regarder en arrière pour aller de l’avant, enrichi par l’expérience.
Une fin n’a pas toujours à être sans recours. Beaucoup de situations permettent de se reprendre, de corriger le tir ou de modifier son approche. La négation de cette réalité est gage de défaitisme, d’impuissance et d’inaction, qui n’ont rien à voir avec le lâcher-prise qu’exigent certaines autres situations.
Et le faussaire d’ajouter : Ce n’est pas un hasard si vous lisez ceci. Si ce texte est entré dans votre vie aujourd’hui, c’est parce que vous êtes prêt à comprendre qu’aucun flocon de neige ne tombe jamais au mauvais endroit.
N’importe quoi!
Aucune de ces prétendues lois n’a quoi que ce soit à voir avec la spiritualité enseignée par les sages de l’Inde ou d’ailleurs, non plus, d’ailleurs, qu’avec la spiritualité tout court. Et bien que les lois de la nature soient parfaitement réglées, les humains que nous sommes n’ont rien à voir avec les flocons de neige (sauf pour s’y frayer un chemin lorsqu’ils s’entassent devant notre entrée!).
Pourquoi s’arrêter à un tel message? Parce que trop de gens croient bien faire en retransmettant des faussetés à tous leurs «amis». Or, derrière le masque d’une sagesse édulcorée se cachent parfois des contrevérités qui agissent sur l’inconscient et s’avèrent subtilement plus dommageables que les pensées anodines faussement attribuées à Einstein, Bouddha, Confucius ou quelque obscur chaman autochtone.
Les autorités invitent donc les personnes intéressées par la spiritualité à faire preuve de discernement pour éviter d’être bernées, et à toujours vérifier leurs sources avant de publier des inepties pour ne pas indûment tromper les gens qu’ils aiment. Gare aux faussaires masqués!