On dirait le titre d’une fable. Mais il n’en est rien. Quoique… Les Védas expliquent par le menu détail que la conscience procède de l’âme, sise dans la région du cœur, d’où elle rayonne dans le corps tout entier. La science prétend au contraire que la conscience n’est rien d’autre que l’activité électrobiochimique du cerveau. Qui dit vrai?
Soyons clairs. Aucune étude n’a jamais établi que le cerveau est le siège de la conscience. En réalité, la double prémisse selon laquelle nos pensées résultent de connexions synaptiques et selon laquelle nos souvenirs sont emmagasinés dans les terminaisons neuronales de notre cerveau pose de multiples problèmes. Aucun scientifique n’a d’ailleurs jamais pu faire la démonstration de cette théorie purement hypothétique. Tous vous diront d’ailleurs qu’aussi plausible qu’elle puisse paraître, ils n’ont absolument aucune idée de la façon dont tout cela fonctionne.
Et pour cause! Premièrement, peu de scientifiques se penchent sérieusement sur le phénomène de la conscience, car il se prête mal à une expérimentation rigoureuse conforme aux canons de la recherche empirique. Deuxièmement, ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la question ont tôt fait de constater que les données probantes dont nous disposons sur le cerveau invalident d’entrée de jeu la théorie si largement prise pour argent comptant faute d’une explication plus rationnelle.
Pour tout dire, la nature et l’origine de la conscience comptent parmi les plus grandes pierres d’achoppement de la science moderne.
Contre toute logique
Comme la science conventionnelle ne s’intéresse qu’au monde physique, observable et mesurable, à l’exclusion de toute autre dimension de la réalité, on comprend sans mal qu’elle cherche à expliquer la conscience, la pensée, les émotions et la vie par le jeu de mécanismes purement matériels. Elle nie en effet l’existence de quoi que ce soit au-delà du monde visible.
De Princeton à Harvard et de Yale au MIT, de plus en plus de voix s’élèvent cependant pour dénoncer les failles de cette interprétation réductrice des phénomènes dont il est ici question. Le cerveau a beau compter quelque dix milliards de neurones, dont chacun échange environ dix mille connexions avec d’autres neurones, reste que tous ces neurones sont constitués de molécules, et qu’aucune molécule n’est consciente. Leurs interactions n’entraînent que des variations de leurs états électrochimiques, et ces derniers ne produisent pas plus de conscience que le gradateur d’intensité lumineuse d’une appareil d’éclairage. Pour rester dans l’éclairage, réduire la conscience à un réseau de connexions neuronales, c’est comme dire que la lumière produite par une ampoule vient des fils électriques connectés à son culot; peut-être, mais d’où vient l’énergie qui circule dans les fils?
Ne serait-ce qu’à ce chapitre, la prétention que la matière dont se composent le cerveau, les neurones et les molécules puisse produire une chose immatérielle – la conscience –, soit une forme d’antimatière capable de percevoir la matière, de l’observer, de l’analyser et d’interagir avec elle, défie non seulement toute démonstration expérimentale, mais aussi toute explication théorique fondée sur la logique la plus élémentaire qui soit.
Penser hors du cerveau
Pour aborder la question sous un autre angle, à supposer que le cerveau soit le siège de la conscience, il y a lieu de se demander comment il peut en préserver l’intégrité et la continuité alors que nous perdons chaque jour des milliers de neurones. Autrement dit, comment un processeur aussi sophistiqué que le cerveau, programmé pour remplir des fonctions précises, pourrait-il continuer à le faire alors que son programme s’efface de jour en jour? S’il était réellement le siège de la conscience, nos souvenirs et nos expériences passées disparaîtraient continuellement, et notre identité même se désagrégerait constamment.
Il est entendu que nous ne faisons pas que perdre des neurones; nous en produisons aussi de nouveaux. Mais les nouveaux n’ont rien du bagage de ceux qui sont disparus; ils ne peuvent servir qu’à créer de nouvelles connexions, de nouveaux apprentissages, de nouveaux souvenirs.
Si la conscience que nous avons de nous-mêmes en tant que personne fluctuait au gré de la perte constante de nos acquis et de la génération tout aussi constante de nouveaux repères, nous ne serions que des girouettes soumises aux caprices des vents, sans fondement, sans personnalité, sans caractère, sans identité durable.
Le fait est cependant qu’à vingt ans, cinquante ans ou quatre-vingt-dix ans, nous sommes toujours la même personne; seuls l’état de nos organes, notre apparence physique et la somme de nos expériences et de nos souvenirs ont changé. L’attribution de la conscience à une fonction du cerveau relève donc d’un immense acte de foi. N’est-il pas plus raisonnable de supposer que la conscience individuelle d’une personne est une caractéristique fondamentale de son être et qu’elle utilise le cerveau comme une interface, un instrument d’interaction avec le corps dans lequel elle se trouve et avec le monde qui l’entoure?
Après avoir étudié le cerveau humain pendant plus de quarante ans, le neurochirurgien Wilder Penfield de l’université McGill en est d’ailleurs venu à la conclusion que le cerveau est un puissant ordinateur d’une très grande complexité, mais que, comme pour tout autre ordinateur, son programmeur s’en trouve non pas à l’intérieur, mais à l’extérieur. Autrement dit, il faut cesser de voir la conscience comme une fonction du cerveau puisque l’être conscient qui «programme» et utilise le cerveau se trouve hors du cerveau.
Une conscience aux multiples visages
Cette idée se trouve renforcée par le fait que si la conscience n’était que le résultat d’interactions neuronales strictement mécaniques, il serait inconcevable que tous les cerveaux soient programmés différemment, et ce, dès la naissance, alors qu’une personne n’a théoriquement aucun souvenir et qu’elle n’a encore vécu aucune expérience!
Tout le monde possède des neurones sensoriels, des neurones moteurs et des neurones qui sécrètent différents neurotransmetteurs, et ces neurones fonctionnent de la même façon pour tout le monde. Comment se fait-il donc qu’une personne est naturellement douée pour la musique, les langues ou les mathématiques alors qu’une autre ne l’est pas. Ou qu’une personne est naturellement habile de ses mains quand une autre reste incapable de planter un clou. Il n’y a pas de neurones pour ça, pas plus que pour l’inspiration, la créativité, le génie, l’empathie, la vertu, la cruauté, la fourberie, ni aucun autre des multiples traits qui caractérisent foncièrement un humain.
Tous les êtres vivants sont différents, et ce, dès la naissance. Si la conscience se trouvait dans le cerveau, il faudrait que ce dernier fonctionne de manière purement aléatoire pour obtenir autant de résultats différents. Or, ce n’est pas le cas. Le cerveau est rigoureusement programmé, il fonctionne comme une horloge et il tourne au quart de tour. Son comportement est parfaitement prévisible, mais pas celui de son programmeur, d’où la nécessité de le chercher ailleurs que dans le cerveau. Et de comprendre qu’il y a autant de programmeurs et d’applications de la conscience qu’il y a de cerveaux!
Quelle différence ça fait?
Que la conscience émane du cerveau, du cœur ou d’ailleurs ne change pas grand-chose. D’une façon ou d’une autre, nous constatons sans mal qu’elle rayonne dans tout le corps, dont nous avons conscience jusqu’au bout des doigts et des orteils. Ce qui ressort d’une étude objective de la conscience, c’est qu’il s’agit d’un phénomène étranger à la matière. Aucune forme de matière n’est consciente. Et aucun assemblage d’éléments inconscients ne peut faire naître la conscience.
La conscience est l’expression de la vie. Il n’y a de conscience que dans le vivant. C’est parce que la vie donne forme à un corps matériel que le cerveau fonctionne et devient l’instrument de la conscience. Lorsque la vie quitte un corps animé, la conscience disparaît avec elle, bien que le cerveau demeure intact.
L’intérêt d’une étude objective de la conscience est de nous ouvrir à une autre dimension de la réalité, au-delà du monde visible et de son interprétation purement mécaniste. Puisque de toute évidence la matière ne peut produire quelque chose d’immatériel, comme la conscience ou la vie, il nous incombe – tout comme il incombe à la science – d’élargir notre compréhension du monde et du sens même de notre existence. Pour reprendre les mots de Sir John Eccles, Nobel de physiologie et de médecine:
«Notre existence relève d’un mystère fondamental qui transcende la biologie de notre corps et de notre cerveau.»