La spiritualité est parfois comparée à un arbre, et le soin apporté à cet arbre a pour effet d’étendre partout ses racines et ses branches, contribuant ainsi à la propagation de la conscience divine et de l’amour si cher à tous les êtres.

Je vous offre en entrée ma traduction d’un poème de Joyce Kilmer (1886-1918) simplement intitulé Trees.

Jamais, je crois, je ne verrai
Poème aussi sublime qu’un arbre.
Un arbre dont les lèvres assoiffées
S’agrippent au sein nourricier de la terre;
Un arbre au regard à jamais tourné vers Dieu
Dont les bras foisonnants s’élèvent en prière;
Un arbre qui, l’été venu, peut accueillir
Un nid de merles dans sa chevelure;
Un arbre que la neige couvre de son manteau
Et qu’épouse intimement la pluie.
Les poèmes sont écrits par des sots comme moi,
Mais Dieu seul possède l’art de faire un arbre.


Les arbres sont indispensables. Ils donnent de l’oxygène, emmagasinent du carbone, préviennent l’érosion des sols, procurent bois et nourriture, et contribuent ainsi à la vie de tous les êtres. Sources de matériaux utiles à la fabrication d’outils et à la construction de nos demeures, ils fournissent également de l’ombre en plus d’embellir la terre. Pour tout dire, nous ne saurions nous passer d’eux, et sans doute aucune autre espèce vivante n’est-elle plus essentielle à notre subsistance et à notre bien-être.

Comme si ce n’était pas suffisant, les arbres jouent, selon les Védas, un rôle de premier plan sur la scène de la spiritualité. Dans la Bhagavad-gita, par exemple, le Bienheureux dit: «Que l’on m’offre avec amour une feuille, une fleur, un fruit, et cette offrande je l’accepterai.» Et d’ajouter qu’aucun arbre ne lui est plus cher que le toulasi (Ocimum sanctum), et qu’aucun arbre ne reflète mieux sa grandeur et sa majesté que le banian.

Un modèle à suivre

L’image de l’arbre et de son reflet dans l’eau est aussi utilisée pour expliquer la distinction entre le monde matériel et le monde spirituel (voir «Le monde à l’envers»). Certains arbres occupent par ailleurs une place toute spéciale dans certaines formes de culte. Et Chaitanya, l’illustre réformateur de la Renaissance qui a instauré le chant des saints noms de l’Infiniment fascinant comme la voie de réalisation spirituelle la plus simple et la plus féconde pour notre époque, nous a lui-même laissé un enseignement édifiant faisant à l’arbre une place de choix dans une strophe devenue célèbre:

« Plus humble qu’un fétu de paille, plus tolérant qu’un arbre, sans prétention aucune et respectueux de tous, tel est l’esprit dans lequel il convient de chanter les saints noms du Seigneur des seigneurs. »

L’arbre est un symbole de tolérance égal à nul autre. Secoué sans merci par les vents, assailli tant par la pluie que par le soleil ardent, abusé par les animaux, les enfants et les amoureux, on l’entaille, on l’émonde et on le coupe même sans jamais qu’il se plaigne. L’arbre est non seulement tolérant, mais aussi généreux sans compter, offrant gracieusement ses fruits à qui veut bien les cueillir, et protégeant de son ombre et de son feuillage quiconque y cherche refuge – y compris ses agresseurs.

Or, ne peut atteindre à cette humilité et à cette grandeur d’âme que celui ou celle qui se sait et se rappelle n’être qu’une âme infinitésimale dans un univers incommensurable; qui a conscience de son identité spirituelle, entièrement indépendante de son corps, et de son rapport à la Source de tout ce qui est.

Vie et conscience

Cela dit, il importe aussi de savoir et de se rappeler que l’arbre est un être vivant au même titre que nous. Seuls nos corps diffèrent. L’étincelle de vie – l’âme – qui anime l’arbre est de la même nature que celle qui anime nos corps et ceux de toutes les autres espèces.

Les êtres vivants de divers ordres dans l’échelle des espèces sont tous dotés de conscience à un degré ou un autre (voir «Mon chat a-t-il une âme?»). Bien que l’arbre fasse partie des espèces dont la conscience est la plus voilée, il n’en présente pas moins des signes évidents que la science étudie de plus en plus.

Les chercheurs ont notamment observé que les arbres ont ce qu’ils appellent des «préférences». Leurs racines, par exemple, poussent en direction de l’eau, et leurs branches s’éloignent naturellement de ce qui pourrait leur être nuisible. Diverses expériences ont en outre démontré qu’ils ont une «mémoire», qu’ils «apprennent de leurs expériences» et qu’ils «communiquent» entre eux sur de grandes distances! Les études les plus poussées leur prêtent par ailleurs des «émotions» et une forme d’intelligence, bien qu’ils traitent l’information beaucoup plus lentement que les humains ou les animaux.

Voilà bien matière à réflexion sur les merveilles de la vie et sur la façon dont la nature peut nous inspirer à développer une vision plus large de notre existence en lien avec l’Absolu. Puisse l’arbre de notre spiritualité inhérente pousser sainement grâce à nos soins attentifs, jusqu’à atteindre les plus hautes sphères de la conscience.

L’arbre