Dans la série «L’âme, cette inconnue», inspirée des textes védiques...
Voir les volets précédents.
Avant de parler de mission, parlons d’abord de fonction. À titre de rappel, l’âme fait partie intégrante du Tout universel, qu’on appelle aussi l’Absolu. Or, tandis que l’Absolu est par nature infini, l’âme individuelle est par nature infinitésimale; elle n’est qu’une émanation fragmentaire de l’Absolu. Et quelle est la fonction naturelle de toute partie d’un tout? Elle consiste à servir le tout, à fonctionner en harmonie avec le tout.
Ainsi la fonction primordiale de l’âme – son dharma – est-elle de servir l’Absolu. De la même façon qu’une personne œuvrant au sein d’une entreprise est au service de cette entreprise. De la même façon que chaque organe d’un corps vivant est au service du corps entier.
Tant que les éléments d’un tout remplissent leur fonction et agissent en harmonie avec le tout, ils bénéficient de tous les avantages que procure un tout prospère ou en santé – pour reprendre l’exemple d’une entreprise ou d’un corps vivant.
Égocentrisme dysfonctionnel
Qu’advient-il lorsqu’un élément du tout se met en frais de se dissocier du tout, d’agir indépendamment de lui? Non seulement il compromet le bon fonctionnement du tout, mais il perd les avantages dévolus à son rôle en relation avec le tout.
Si un employé se préoccupe plus de ses intérêts personnels que des intérêts de l’entreprise à laquelle il appartient, négligeant ainsi de servir son employeur, il finit par nuire à l’entreprise et par rompre le lien de confiance et les rapports profitables qui l’unissent à son employeur. De même, si la main décide de garder la nourriture pour elle plutôt que de l’acheminer jusqu’à la bouche, dans l’espoir qu’en la triturant, elle en tirera une plus grande satisfaction, le résultat sera pour le moins désolant: le corps s’affaiblira, et la main privée d’énergie nourricière finira par s’étioler.
Eh bien, c’est à pareil cas de figure que les Védas compare la situation de l’âme spirituelle subjuguée par l’énergie matérielle.
C’est en effet, nous disent-ils, pour avoir cherché, d’une façon ou d’une autre, à jouir de la beauté, de la force, de la richesse ou d’autres atouts enviables indépendamment de l’Absolu que l’âme se voit offrir la possibilité d’exercer son libre arbitre dans un environnement approprié à la satisfaction de ses désirs.
Autrement dit, en négligeant sa relation avec l’Absolu – au point de l’oublier complètement –, l’âme en vient à nourrir l’illusion qu’elle peut jouir du parfait bonheur sans avoir à servir le Grand Tout auquel elle appartient. Sa conscience se trouve ainsi de plus en plus voilée par l’énergie matérielle – proprement qualifiée d’illusoire –, qui fait elle-même partie du Grand Tout. Ainsi finit-elle par s’identifier sans réserve aux corps matériels qu’elle revêt successivement à la poursuite de ses désirs, sans le moindre souvenir de sa nature spirituelle et de sa condition originelle.
Ce qui nous amène à parler de sa «mission».
Faites sonner les clairons!
Les Védas étant conçus pour guider l’humanité dans sa quête de vérité, le tout premier verset du traité philosophique qui en résume la somme va droit au but:
«Le moment est venu de vous enquérir de l’Absolu.»
Vedanta-sutra 1.1.1
Chaitanya, le grand réformateur du 16e siècle a d’ailleurs lui-même repris ce thème en s’inspirant cette fois d’un passage de la Katha Upanishad:
«Jiv jago, jiv jago… Réveillez-vous! Réveillez-vous, âmes endormies. Profitez sans tarder des avantages que vous offre la forme humaine pour vous rapprocher de l’Absolu.»
Et le Bhagavat Purana d’ajouter:
«L’Absolu n’est autre que le Brahman suprême, l’origine de tout ce qui est.»
Bhagavat Purana 1.1.1
L’espèce humaine est la seule à pouvoir s’interroger sur le sens réel de la vie, sur sa véritable nature et sur celle de l’Absolu dont elle fait partie intégrante. Et les Védas nous invitent à en profiter pour prendre conscience du fait que jamais l’énergie matérielle ne parviendra à combler notre soif de plénitude. Pour questionner notre véritable intérêt en tant qu’élément constituant et indissociable du Tout universel. Pour cultiver le savoir oublié de l’Absolu, de sa nature et de ses attributs. Et pour enfin rétablir notre relation personnelle avec la Source de tout ce qui est en nous mettant de nouveau à son service.
Glorieuse mission que la nôtre, ne croyez-vous pas? Encore devons-nous relever le défi qu’elle présente…