Dans la série «L’âme, cette inconnue», inspirée des textes védiques...
Voir les volets précédents.
On entend souvent parler d’âme sœur. Beaucoup de gens semblent la chercher, et nombreux sont ceux et celles qui désespèrent de la trouver un jour. Certains par soif d’amour, d’autres par peur de la solitude, ou simplement pour avoir une épaule sur laquelle s’appuyer lorsque le monde chavire autour de soi.
Et si je vous disais qu’il n’y a pas à la chercher plus loin qu’en soi, cette âme sœur? Si, si! Les Védas nous rappellent en effet qu’en chaque être vivant se trouve non pas une âme, mais deux! Si, si! Il y a bien sûr l’âme individuelle de chacun, celle dont nous parlons depuis le début de cette série. Mais il en est une autre, qui se trouve également dans le cœur aux côtés de la première. Et j’ai nommé l’Âme suprême.
J’avais déjà évoqué son existence dans L’âme – Comment est-elle? pour expliquer que les âmes individuelles que nous sommes sont dites infinitésimales, ou atomiques (anu-atma), pour bien les distinguer de l’Âme suprême (param-atma), de nature infinie, donc infiniment grande.
Cela s’explique par le fait que l’Âme suprême n’est autre que le Paramatma, soit un des trois aspects de l’Absolu. Le Brahman, l’aspect impersonnel de l’Absolu, est indistinctement omniprésent, tandis que Bhagavan, son aspect personnel et omnipotent, réside éternellement en son royaume spirituel. Le Paramatma, l’aspect omniscient de l’Absolu, a toutefois ceci de particulier qu’il est « localisé », c’est-à-dire distinctement présent en chaque être.
Tels deux oiseaux
Les Vedas comparent ces deux âmes à deux oiseaux liés d’amitié et perchés sur un même arbre.
«L’Âme universelle et l’âme individuelle se trouvent toutes deux sur un même arbre – le corps de l’être incarné –, plus précisément dans son cœur.»
Katha Upanishad 1.2.20
«Des deux oiseaux vivant sur un même arbre, seul celui qui s’acharne à en goûter les fruits s’afflige et s’angoisse. Mais si par bonheur il se tourne vers le Seigneur, son ami et compagnon de toujours, et vient à connaître Ses gloires, ses souffrances et ses tourments se dissipent.»
Mundaka Upanishad 3.1.2 et Svetashvatara Upanishad 4.7
Alors qu’un des oiseaux (l’âme infinitésimale) cherche à savourer les fruits de l’arbre, l’autre (l’Âme suprême) l’observe. Ces deux oiseaux participent de la même nature, mais tandis que l’un est captivé par les fruits de l’arbre matériel, l’autre observe simplement les agissements de son ami et compagnon.
L’âme infinitésimale et l’Âme suprême, toutes deux présentes en chaque corps, sont en effet toutes deux de nature spirituelle. Leur identité qualitative ne vaut cependant pas sur le plan quantitatif: l’âme individuelle n’est présente que dans un corps particulier, tandis que l’Âme universelle est présente dans tous les corps. Elles ont également en commun d’être toutes deux conscientes, mais elles diffèrent en ce que l’une n’est consciente que d’un seul corps alors que l’autre est consciente de tous les corps. La conscience de l’âme infinitésimale diffère en outre de celle de l’Âme infinie en ce sens que la conscience infinie englobe la connaissance intégrale du passé, du présent et de l’avenir, alors que la conscience de l’âme infinitésimale est sujette à l’oubli.
Un duo gagnant
L’Âme suprême ne remplace peut-être pas un amoureux ou une amoureuse, mais elle est toujours là, à notre écoute et prête à nous aider à nous accomplir pleinement. C’est d’ailleurs elle qui réunit les conditions nécessaires pour nous permettre de réaliser nos désirs, tout comme un ami cherche spontanément à satisfaire les désirs d’un ami.
Et elle ne fait pas qu’écouter. Elle nous parle aussi, et s’efforce de nous guider dans nos choix. Certains la qualifient de «petite voix intérieure», d’autres de «voix de la conscience» ou d’«ange gardien». Peu importe l’appellation, elle est bel et bien là, et il ne tient qu’à nous d’apprendre à l’écouter et à bénéficier de sa sagesse. C’est précisément ce que font les yogis qui méditent sur elle pour se détacher graduellement des fruits doux-amers de l’existence matérielle et en venir à réaliser pleinement l’Absolu.
L’Âme suprême n’est peut-être pas l’âme sœur au sens où nous l’entendons généralement, mais on peut très certainement la considérer comme une grande sœur – la plus grande qui soit. Et pour affronter les innombrables défis de la vie en ce monde, deux âmes valent très certainement mieux qu’une.