Dans la série «L’âme, cette inconnue», inspirée des textes védiques…
Voir les volets précédents.
Après avoir établi l’identité de l’âme, qui n’est autre que le soi – la personne à proprement parler à l’intérieur de chaque corps vivant –, examinons de plus près ses attributs, les caractéristiques qui la distinguent du corps dans lequel elle se trouve.
Atomique
Quelle que soit la taille du corps qu’elle occupe, l’âme demeure infinitésimale. La Svetashvatara Upanishad en donne plus précisément la mesure en ces termes:
«Lorsqu’on divise la pointe d’un cheveu en cent parties, et qu’on divise une de ces parties en cent autres parties, on trouve la mesure de l’âme.»
Svetashvatara Upanishad 5.9
Ce que confirme cet autre verset, cette fois tiré du Chaitanya-charitamrita:
«Il existe d’innombrables atomes spirituels, dont la taille est d’un dix-millième de la pointe d’un cheveu.»
Chaitanya-charitamrita, Madhya 19.140
Il va sans dire que puisque l’âme est de nature spirituelle (voir L’âme – Qui est-elle?), elle n’a pas à proprement parler de dimensions. Il n’y a que dans la sphère matérielle qu’on peut parler de taille ou de dimensions. La pointe d’un cheveu s’entend ici d’un point, lequel n’a pas de dimensions propres en géométrie. Il s’agit donc de comprendre que l’âme relève de l’infiniment petit, qu’elle échappe à toute mesure, et qu’aucun instrument d’observation ne peut la déceler.
L’âme est donc un atome spirituel, une particule d’antimatière plus petite encore que les atomes matériels et leurs composants, et il existe un nombre infini de tels atomes spirituels. Cette infime source d’énergie spirituelle est le principe vital du corps matériel. Elle y déploie partout son influence à l’instar du principe actif d’un médicament dont l’effet se répand dans le corps tout entier.
L’influence de l’âme se manifeste dans tout le corps sous la forme de la conscience – preuve immatérielle de sa présence. Nul n’ignore en effet que, privé de conscience, le corps meurt, et aucun procédé matériel ne peut le ranimer. Comme aucun élément ni organe matériel n’est doué de conscience, il en découle que la conscience provient de l’âme, de la personne qui habite le corps, et non de quelque combinaison d’éléments biochimiques.
Les infimes parcelles de l’Esprit infini se comparent également aux innombrables molécules lumineuses qui émanent du soleil, en ce qu’elles sont autant d’étincelles de la radiance du Suprême. C’est donc à juste titre qu’on dit l’âme infinitésimale, ou atomique (anu-atma), pour bien la distinguer de l’Âme suprême (param-atma). L’Absolu est infiniment grand alors que nous sommes infiniment petits, et jamais l’infiniment petit n’égale ou ne surpasse l’infiniment grand. Le soleil dégage chaleur et lumière, et les molécules de ses rayons dégagent aussi chaleur et lumière, mais les infimes molécules qui s’en échappent ne sauraient être confondues avec l’astre rayonnant.
Individuelle
Un autre enseignement des Védas, confirmé et développé par de multiples écrits, est que l’âme est éternellement individuelle.
«Jamais ne fut le temps où nous n’existions, Moi, toi et tous ces rois, et jamais aucun de nous ne cessera d’être.»
Bhagavad-gita 2.12
Par ces mots, le Bienheureux souligne non seulement que l’âme est éternelle, mais aussi que l’individualité est une caractéristique éternellement fondamentale de tous les êtres vivants. De l’âme, donc, puisque le corps est périssable. Autrement dit, bien que les corps que nous revêtons périssent les uns après les autres, nous restons – en tant qu’âmes – à jamais individuels.
Le phénomène de la conscience renforce ce point, dans la mesure où la portée de notre conscience est limitée à notre corps, et à aucun autre. Nous sommes conscients des moindres sensations, plaisirs et douleurs que nous procure notre corps, que ce soit globalement ou en un point précis, mais les plaisirs et les douleurs d’autrui nous sont totalement imperceptibles. Car chaque corps est l’enveloppe charnelle d’une âme distincte, dont la présence est manifeste à travers la conscience individuelle de chacune.
Immortelle
L’âme étant de nature purement spirituelle, elle ne peut être affectée par la matière. Ni par le corps grossier, ni par le corps subtil, constitué du mental, de l’intelligence et de l’ego.
«Seul le corps matériel que revêt l’âme indestructible, éternelle et sans mesure est sujet à la destruction.»
Bhagavad-gita 2.18
«Jamais l’âme ne naît ni ne meurt. Jamais elle n’a eu de commencement, et jamais elle n’en aura. Non née, primordiale, immortelle et éternelle, elle ne périt pas avec le corps.»
Bhagavad-gita 2.20
«Aucune arme ne peut fendre l’âme, ni le feu la brûler. L’eau ne peut la mouiller, ni le vent la dessécher.»
Bhagavad-gita 2.23
D’ailleurs, un des premiers arguments de Krishna à Arjuna qui refuse d’engager le combat lors de l’historique bataille de Kouroukshétra est le suivant: «Personne ne va effectivement mourir de toute façon. Même si tu tues le corps, tu ne tues pas l’âme. Elle va seulement être transférée dans un nouveau corps.»
Rien de ce qui arrive au corps ou dans le corps n’arrive à l’âme, au soi. Et puisque rien ne peut l’atteindre, l’âme, tout comme la conscience qui en émane, est bel et bien indestructible.
«Sache que ne peut être anéanti ce qui pénètre le corps tout entier. Nul ne peut détruire l’âme impérissable.»
Bhagavad-gita 2.17
L’enveloppe corporelle périt et se décompose, mais pas l’âme. L’entité consciente perdure.
Immuable
Compte tenu de tous les changements qui surviennent dans notre corps et notre esprit de la naissance à l’âge adulte et au-delà – aussi bien que dans notre situation sociale, professionnelle ou familiale –, il est évident que nous ne sommes pas ce que nous croyons être à différentes étapes ponctuelles de notre vie, puisqu’à travers toutes ces transformations, nous demeurons foncièrement la même personne.
Le corps traverse six étapes au cours de son existence: il naît de la matrice d’une mère, grandit, mûrit, se reproduit, vieillit et meurt finalement, sombrant ainsi dans l’oubli. Mais l’âme n’est sujette à aucune de ces transformations.
L’âme est non née; c’est parce qu’elle vient à s’incarner que le corps naît. Elle n’est pas créée à l’instant où le corps se forme, pas plus qu’elle ne meurt au moment où il rend son dernier souffle. Seul ce qui naît doit aussi mourir.
Et comme elle ne naît ni ne meurt, l’âme ne connaît ni passé, ni présent, ni futur. Elle est éternelle, immortelle et primordiale – on ne saurait trouver trace de l’origine de son existence comme on le fait avec le corps. Et alors que le corps vieillit, l’âme ne vieillit jamais. C’est pourquoi le vieillard se sent intérieurement comme l’enfant ou le jeune homme qu’il a été.
Les changements du corps n’affectent pas l’âme. Elle ne dépérit pas à la manière d’un arbre ou de tout autre objet matériel, et elle n’engendre pas non plus de descendance. Les enfants d’une personne sont eux aussi des âmes distinctes; s’ils semblent naître de cette personne, c’est uniquement à cause du lien corporel qui les unit. Leur corps se développe en présence de l’âme, mais l’âme elle-même ne subit aucun changement et ne produit aucun enfant. Bref, elle n’est astreinte à aucune des six phases de transformation du corps. Aussi est-elle dite immuable.
• • •
Atomique, individuelle, immortelle et immuable… Autant d’attributs qui distinguent l’âme du corps et qui nous éclairent sur sa véritable nature, sur notre véritable nature. Car, aussi attachés que nous soyons à notre forme physique, nous ne sommes pas le corps que nous habitons. Nous en avons hérité des suites de notre karma, et nous l’abandonnerons à l’heure du trépas avant de poursuivre notre chemin vers une autre destination.