Suit un récit de Rabindranath Tagore tiré de L’offrande lyrique, traduit de l’anglais par André Gide.
J’étais allé mendiant de porte en porte sur le chemin du village lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide, et j’admirais quel était ce roi de tous les rois. Mes espoirs s’exaltèrent, et je pensais: «C’en est fini des mauvais jours.» Déjà, je me tenais prêt dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.
Ton chariot s’arrêta là où je me tenais et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue soudain. Tu tendis alors ta main droite et dis: «Qu’as-tu à me donner?»
Ah! Quel jeu royal était-ce là que de tendre la main au mendiant pour mendier? J’étais confus et demeurai perplexe. Enfin de ma besace je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai. Mais combien fut grande ma surprise quand à la fin du jour vidant à terre mon sac je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai: «Que n’ai-je eu le cœur de te donner mon tout?»
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Ne sommes-nous pas tous mendiants et mendiantes dans la vie? En quête de richesses, de gloire ou de beauté? En quête de réussite sous une forme ou une autre? En quête de savoir ou de réalisation de soi? Quelles que soient nos aspirations, nos attentes sont grandes. Mais s’il est une leçon que nous gagnons tous à apprendre, c’est de ne pas prendre nos rêves pour la réalité en espérant que tout nous tombe du ciel. La vie ne nous donne que ce que nous lui donnons. Et l’Éternel ne partage avec nous que dans la mesure où nous partageons avec lui.