Shri Vishnou

Suite et fin de la série «La reine des Upanishads».

Voir le volet précédent.

agné naya soupathā rāyé asmān vishvāni déva vayounāni vidvān
youyodhy asmadj djouhourāṇam éno bhouyishṭhāṁ té nama-ouktiṁ vidhéma

«Ô Seigneur tout-puissant, toi qui es comme le feu,
je me jette à tes pieds et t’offre mon hommage le plus respectueux.
Je te prie de me guider sur le chemin qui conduit jusqu’à toi.
Et puisque tu connais tous mes actes passés,
aie la bonté de me libérer des suites de mes fautes,

afin qu’aucun obstacle ne m’empêche de progresser vers toi.»



La reine des Upanishads met ici le point final à son propos. Après nous avoir présenté l’Absolu et dépeint le contexte dans lequel s’effectue la quête du Divin, elle a brièvement tracé le portrait de celui qu’on nomme l’Être suprême et des guides éclairés habilités à nous en rapprocher. Soulignant le pouvoir transformateur des enseignements spirituels que livrent ces messagers de l’au-delà, elle présente ensuite succinctement les étapes de la pleine réalisation de soi pour enfin révéler l’existence du Bienheureux dans sa forme personnelle et le prier instamment de nous guider vers lui de manière à couronner notre vie de succès.

Bien qu’elle compte seulement dix-huit mantras précédés d’une invocation, chacun de ces mantras renferme un trésor de connaissance dont chacun des mots ouvre la voie à de riches développements. De grands sages ont médité leur vie durant sur ces mantras, et d’innombrables pèlerins assoiffés des mystères de la vie y ont trouvé l’inspiration de parfaire leur existence et les jalons de cet ultime accomplissement.

Grâce et bienveillance

Au terme de cette démarche initiatique, l’Isha Upanishad, l’Upanishad du Seigneur de tous les êtres, s’incline humblement devant le Tout-puissant qui, tel un feu ardent, peut seul détruire tous les obstacles qui se dressent sur la voie menant à lui. Nous avons vu, au mantra 16, que nos efforts seuls ne peuvent suffire à nous donner accès au royaume de la transcendance et à rétablir notre relation éternelle avec l’Infiniment fascinant. Sans sa grâce, nul ne peut percer le voile éblouissant de la radiance qui émane de son corps.

C’est pourquoi ce dernier mantra renchérit sur le précédent en invoquant expressément cette grâce. Tout d’abord en reconnaissant la suprématie du Maître de l’univers – soulignée dès le début de l’Upanishad –, puis en faisant appel à sa bienveillance pour éliminer les dernières entraves qui nous séparent encore de lui. Bienveillance qu’il ne refuse à aucune âme sincère désireuse de se défaire de sa conception matérielle de l’existence et de réintégrer la dimension spirituelle qui est intrinsèquement sienne, sous le signe de l’éternité, du savoir et de la plus haute félicité qui soit.

Abandon salutaire

L’abandon au Seigneur exprimé dans ce mantra représente la perfection de l’existence. S’il est une chose au monde qu’aucune âme incarnée ne souhaite faire, c’est de s’abandonner à qui que ce soit. Conditionnés par nos désirs et nos attachements, nous voulons rester maîtres de notre destinée, libres de satisfaire nos sens et de poursuivre nos ambitions sans laisser personne nous dicter notre conduite. Mais c’est précisément cet orgueil mal placé qui nous maintient prisonniers du cycle des naissances et des morts répétées, en proie aux souffrances inhérentes au monde de la matière.

C’est uniquement lorsqu’on en vient à comprendre qu’on ne s’affranchira jamais seul de ces chaînes qu’on parvient à s’abandonner au Seigneur et à se laisser guider par lui. Dès lors qu’on franchit ce pas s’amorce une démarche ponctuée de réalisations de plus en plus riches et profondes, jusqu’à ne plus vouloir, par gratitude, que servir le Divin de tout son être. C’est à cette aventure suprême que nous convie la reine des Upanishads en balisant la voie qui mène à l’abandon ultime de soi dont il est ici question.

Abandon de soi ne veut pas dire négation de soi, mais plutôt abandon du sentiment on ne peut plus erroné que je suis seigneur et maître des êtres et des choses qui m’entourent, alors qu’une once de réflexion suffit pour comprendre que je ne contrôle rien du tout. L’abandon de soi au Tout-puissant se traduit ainsi par la libération de toutes les fausses conceptions qui m’empêchent d’arriver à mes fins les plus chères et les plus intimes.

Le seuil à franchir

L’humilité que requiert un tel abandon marque non pas l’aboutissement de notre quête, mais bien l’entrée de la réalisation spirituelle. L’Isha Upanishad est en effet construite de manière à nous conduire au seuil de ce majestueux édifice qu’est la pleine réalisation de soi.

Seule l’humilité qui sous-tend l’abandon de soi au Suprême peut nous permettre d’entendre la voix du Seigneur qui guide nos pas du fond de notre cœur. Et cette humilité seule donne accès au bonheur indicible que procure le service désintéressé et empreint d’amour du Seigneur des seigneurs. C’est pourquoi l’Upanishad se termine sur cette prière d’abandon, comme pour nous insuffler le sentiment propre à nous inspirer à franchir le seuil où elle nous a conduits.

Le savoir védique, dont celui que renferme cette Upanishad, dépasse toutes les connaissances que nos systèmes d’éducation matériels peuvent avoir à nous transmettre. On ne peut de ce fait saisir pleinement le sens des mantras védiques que par la grâce de Dieu et des sages guides spirituels qui en sont les porte-parole. En nous conduisant au seuil de la réalisation spirituelle, la reine des Upanishads nous invite donc non seulement à tendre l’oreille aux propos du Seigneur en nous, mais aussi à ceux de ses dignes représentants pour guider nos pas sur le chemin de la transcendance.

Ensemble, les textes védiques, le maître spirituel et le Seigneur en personne surchargent le spiritualiste d’une énergie spirituelle qui purifie sa vision du monde et de lui-même, et l’assure d’atteindre la perfection de l’existence pour peu qu’il reste à l’écoute de ces voix convergentes et harmoniques. Puissions-nous donc en tirer plein parti, de tout cœur et sans réserve.

Oṁ Tat Sat

Isha Upanishad – Mantra 18