Shri Vishnou

Suite de la série «La reine des Upanishads».

Voir le volet précédent.

hiraṇmayéna pātréṇa satyasyāpihitaṁ moukham
tat tvaṁ poushann apāvriṇou satya-dharmāya drishṭayé

«Ô Seigneur, toi qui soutiens tout ce qui vit,
la lumière éblouissante qui émane de ta personne
me cache ton vrai visage.
Aie la bonté d’écarter ce voile
et de te montrer tel que tu es à ton dévot.»

Un premier pas vers la connaissance de l’Être suprême si chaudement recommandée dans le mantra précédent consiste à comprendre que nous ne pouvons le voir avec nos yeux actuels. Pas plus qu’Arjuna ne pouvait voir la forme universelle de Krishna sur le champ de bataille de Kouroukshétra avant que Krishna lui en donne la possibilité.

«Tu ne saurais voir cette forme qui est mienne avec tes yeux actuels. Je te confère donc des yeux divins avec lesquels tu pourras contempler mes inconcevables pouvoirs surnaturels.»
Bhagavad-gita 11.8

Nous ne pouvons pas même voir le déva du Soleil tant la radiance qui émane de lui est insoutenable à nos yeux. Eh bien, le principe est le même dans le cas de l’Être suprême: nous ne pouvons percer du regard la radiance infinie qui émane de lui depuis son royaume, qui rayonne dans toutes les directions du monde spirituel et qu’occultent de surcroît les multiples enveloppes qui recouvrent le monde matériel.

On comprend ainsi que le spiritualiste désireux de connaître l’Être suprême le prie de retirer à ses yeux le voile impénétrable de sa radiance.

Cette radiance n’est autre que celle du Brahman, qu’on appelle le brahmajyoti et dans laquelle baignent les innombrables planètes du monde spirituel. Le monde matériel y apparaît comme un nuage isolé qui ne laisse pénétrer aucun rayon de cette radiance, d’où la difficulté accrue pour nous non seulement de voir l’Être suprême, mais aussi de percevoir la dimension spirituelle.

Un processus graduel et codifié

Premier pas, disais-je, parce que la réalisation de l’Être suprême relève d’une grande science. Les matérialistes ne peuvent qu’analyser les éléments qui composent l’univers matériel et leurs interactions. Les apprentis spiritualistes découvrent qu’au-delà des éléments matériels existent d’autres dimensions, mais n’ont que peu ou pas d’information sur le Maître de l’univers, source et soutien de tout ce qui est.

Le spiritualiste désireux d’aller plus loin et de connaître intimement le divin Seigneur avec qui il souhaite renouer le prie donc de se révéler à lui, car tant que le voile du brahmajyoti nous cache sa forme personnelle, nous ne pouvons avoir qu’une réalisation partielle de la Vérité absolue.

Pour récapituler, disons que tant qu’on ne comprend pas comment agissent les différentes énergies de l’Être suprême, on ne peut tout au plus que réaliser l’aspect impersonnel de la Vérité absolue, soit le Brahman.

Lorsqu’on voit l’Être suprême à travers la splendeur de ses manifestions matérielles, mais sans percevoir les manifestations de son énergie spirituelle, on peut accéder à la réalisation du Paramatma, présent en chaque être et au cœur de chaque atome.

Mais ces deux formes de réalisation restent incomplètes. Ce n’est que lorsque l’Être suprême accepte de retirer le voile éblouissant qui nous cache son vrai visage que nous pouvons réaliser qu’Il est aussi Bhagavan, le divin Seigneur primordial, à l’origine des deux autres aspects de la Vérité absolue et de toutes les énergies aussi bien matérielles que spirituelles.

Or, pour l’amener à retirer ce voile, il faut gagner sa faveur en lui montrant qu’on ne désire plus rien au monde que de rétablir notre relation éternelle avec lui. Et ce désir ne peut se développer qu’en apprenant à le mieux connaître et à le servir sous la direction d’un maître spirituel accompli agissant comme son représentant sur Terre.

Vous aurez compris qu’on ne peut simplement donner l’ordre à l’Être suprême de se révéler à nous. Il n’est pas non plus question d’emprunter capricieusement une quelconque voie prétendument spirituelle dans l’espoir de nous hisser jusqu’à lui et de le contraindre à se montrer à nous tel qu’il est. Pour parvenir à nos fins, la meilleure approche consiste à suivre le processus qui nous est donné dans les textes révélés, dont cette Upanishad et la Bhagavad-gita, et à grandir sous l’aimante gouverne d’un guide spirituel digne de ce nom.

Isha Upanishad – Mantra 15