Suite de la série «La reine des Upanishads».
Voir le volet précédent.
sambhoutiṁ tcha vināshaṁ tcha yas tad védobhayaṁ saha
vināshéna mrityuṁ tīrtvā sambhoutyāmritam ashnouté
«Il importe d’apprendre à connaître parfaitement l’Être suprême,
son nom, sa forme, ses attributs et ses gloires transcendantales,
ainsi que la création matérielle et ses habitants — dévas, hommes et bêtes —,
car alors seulement peut-on s’élever au-dessus de la mort
et de l’éphémère manifestation cosmique,
pour atteindre le royaume du Seigneur des seigneurs
et y jouir de la vie éternelle dans le savoir et le bonheur parfaits.»
Aucune âme en contact avec l’énergie matérielle ne peut se soustraire aux lois de la nature, si bien qu’aucun déva, homme, animal ou végétal ne peut prolonger indéfiniment son existence en ce monde. La durée de l’existence de chacun varie selon les espèces; Brahma, le démiurge de notre univers, vit des millions et des millions d’années, alors que certains microbes ne vivent que quelques heures. Cependant, quelle que soit la durée de son existence, aucun être ne peut vivre éternellement ici-bas.
Les lois de la nature sont ainsi faites que tout subsiste un certain temps après sa naissance ou sa création pour finalement dépérir et être anéanti. Rien ni personne n’y échappe. Les planètes et les étoiles elles-mêmes n’existent que tant et aussi longtemps que dure la vie de Brahma. C’est pourquoi on donne parfois à ce monde le nom de martya-loka, «le royaume de la mort». Mais après chaque destruction de l’univers, un nouveau cycle de création s’amorce, tout comme après la mort d’une enveloppe charnelle, l’âme se voit transportée dans une autre pour poursuivre son périple.
Cela dit, la manifestation cosmique et tout ce qui s’y trouve ne représentent qu’une fraction du déploiement des énergies divines. Le Vishnou Purana nous apprend en effet que l’Être suprême possède différentes énergies, regroupées en deux grandes catégories: l’énergie supérieure et l’énergie inférieure.
La création matérielle relève de l’énergie inférieure du fait de son impermanence. Il existe toutefois une autre énergie, supérieure, où tout est différent de ce que nous connaissons en ce monde; s’y déploie à l’infini la création spirituelle, à laquelle appartient le royaume du Seigneur des seigneurs évoqué dans ce mantra, éternel et débordant de félicité.
Une solution simple et logique
Pour échapper à l’emprise de l’énergie matérielle et mettre fin au cycle des morts et des renaissances, il n’y a qu’un moyen, et le présent mantra nous le donne sans détours: il nous faut comprendre les mécanismes qui régissent la répétition sans fin de la naissance, de la maladie, de la vieillesse et de la mort, et apprendre à connaître l’Être suprême et son royaume spirituel.
Pour ce qui est de comprendre le fonctionnement des lois de la nature, ce ne sont pas les ressources qui manquent. Mais pour connaître l’Être suprême, il ne suffit pas de faire des recherches ou des études. Il faut en recevoir la science des lèvres d’une âme réalisée pour ensuite se rapprocher de lui en le servant avec amour et dévotion. Et ce n’est qu’en empruntant cette voie qu’on peut s’affranchir peu à peu des rets du karma, jusqu’à se libérer complètement des contraintes de l’énergie matérielle pour s’établir dans l’énergie supérieure et regagner la dimension spirituelle, éternelle et empreinte de connaissance et de félicité.
Si nous mettons toutes nos énergies à comprendre la seule manifestation temporaire de l’énergie matérielle, nous nous condamnons à refaire mille fois le même parcours à travers des formes de vie différentes. Pour nous élever au-dessus de notre condition, il nous faut parallèlement cultiver la connaissance de la vie éternelle et la pleine conscience de notre identité réelle en lien avec l’Être suprême.
Nous avons mille et une occasions de nous laisser distraire de notre but ultime, et d’imaginer toutes sortes de façons d’améliorer notre situation et celle de nos semblables. Mais à partir du moment où l’on comprend que toutes ces entreprises ne peuvent donner que des résultats temporaires et qu’en fin de compte, tout sera à recommencer, on réalise aussi qu’on a tout intérêt à élargir son champ de vision.