Shri Vishnou

Suite de la série «La reine des Upanishads».

Voir le volet précédent.

anyad évāhouḥ sambhavād anyad āhour asambhavāt
iti shoushrouma dhīrāṇāṁ yé nas tad vitchatchakshiré

«Les sages nous ont expliqué
que l’adoration du Suprême
donne des fruits différents de l’adoration
de tout ce qui n’est pas suprême.»


Ça semble évident, non? Sans doute, mais il s’est toujours trouvé, et il se trouve encore – peut-être plus que jamais – des esprits tordus qui, plutôt que de regarder la vérité en face, tentent de faire taire leur ignorance en clamant haut et fort que toutes les voies se valent. Ils se drapent ainsi d’un semblant d’autorité qui a malheureusement pour effet d’entraîner des innocents dans leur sillage. Il y a donc bel et bien lieu de rappeler certaines évidences, comme le fait ce mantra de la Shri Ishopanishad.

Le Suprême est un autre nom de l’Absolu, et l’adoration de l’Absolu dans sa forme personnelle d’Être suprême donne des résultats absolus, comme le confirme la Bhagavad-gita :

«À qui marche sur cette voie, aucun effort n’est vain ni aucun gain jamais perdu.»
Bhagavad-gita 2.40

Tout ce qui n’est pas suprême relève conséquemment du relatif, et le culte du relatif sous forme de richesse, de succès, de renom ou de quelque autre objet de convoitise ou quelque autre cause donne invariablement des résultats relatifs – incomplets et éphémères. Ainsi les personnes qui vénèrent les ancêtres les rejoindront-ils pour un temps, comme les adorateurs des dévas atteindront leurs planètes respectives et comme les matérialistes entichés des plaisirs fugaces de ce monde auront la possibilité d’y renaître, tandis que ceux et celles qui destinent leur dévotion et leur amour à l’Être suprême finiront par le rejoindre dans le monde spirituel, où le temps n’a plus d’emprise.

L’évidence même

Aucun texte faisant autorité en la matière n’enseigne que nous atteindrons tous le même but, peu importe ce que nous faisons et qui ou quoi nous adorons. Seuls de soi-disant coachs de vie, guides spirituels ou gourous n’appartenant à aucune filiation reconnue peuvent répandre de telles sornettes. Un vrai maître ne dira jamais que chacun peut suivre la voie qui lui plaît comme bon lui semble.

N’importe qui peut comprendre qu’un billet de train Paris-Londres conduit à Londres et nulle part ailleurs. De faux maîtres n’en prêchent pas moins que, peu importe la voie que nous empruntons, nous atteindrons tous le but suprême. Ce genre de compromis alléchant attire de nombreux innocents, convaincus de pouvoir progresser spirituellement en écoutant de telles balivernes. Mais les Védas n’appuient nullement ces inventions. À moins de recevoir la connaissance d’une source sûre, on n’obtient que du vent.

Une question de priorité

Encore faut-il connaître le Suprême pour le servir et l’adorer. Et ce savoir ne s’obtient qu’auprès de sources éprouvées. Faute de cultiver ce savoir, beaucoup restent persuadés que le Suprême n’est qu’une vue de l’esprit, et qu’il vaut mieux consacrer ses efforts à servir l’humanité. Mais en ne cherchant à servir que les intérêts matériels de l’humanité, on ne peut que courir d’échec en échec.

En agissant de la sorte, on arrose les feuilles de l’arbre au lieu de ses racines. Or, ce n’est qu’en arrosant les racines d’un arbre que son feuillage s’épanouit. Malgré tous les efforts déployés pour faire progresser la médecine, les services sociaux et les méthodes d’éducation, on n’en voit jamais la fin, et chaque problème apparemment résolu en fait surgir dix autres. Si on veut réellement servir l’humanité, on doit se préoccuper de nourrir l’âme avant le corps, car c’est elle qui soutient le corps et qui en est l’origine, tout comme le Suprême est la cause première de l’univers, ce qu’exprime ici le mot sambhavat.

En fin de compte, tout est question de priorité. Rien n’empêche quelqu’un de dépenser toutes ses énergies à la poursuite de plaisirs sensoriels, émotionnels et intellectuels sur les plans personnel, familial, social et professionnel en se répétant qu’on n’a qu’une vie à vivre. Mais à partir du moment où l’on prend conscience du fait que le corps est périssable alors que l’âme qui l’habite ne l’est pas, il devient sans doute plus intéressant d’en apprendre davantage sur cette âme et sur l’Être suprême auquel, bien qu’elle l’ait oublié, elle est éternellement liée. Le cas échéant, il devient tout à fait naturel de consacrer une part significative de ses énergies à cette quête dont la portée va bien au-delà de notre bref séjour sur Terre.

À chacun de voir!

Isha Upanishad – Mantra 13