Ce mot sanskrit se traduit notamment par « attribut », « propriété », « qualité constitutive », « essence » et, par extension, « influence dominante ». Pour clarifier ce concept, je vous propose un extrait adapté de Vivre ma spiritualité aujourd’hui.
Les gounas, les influences maîtresses qui régissent les interactions entre le corps grossier et le corps subtil par l’entremise des sens et du mental, s’imposent comme les attributs fondamentaux de l’énergie illusoire à la racine même de notre identification au corps et de notre conception matérielle de la vie.
Les gounas sont en quelque sorte des marionnettistes qui tirent les ficelles de nos sensations, de nos pensées, de nos sentiments et de nos désirs (gouna peut aussi désigner la corde d’un arc ou d’un instrument de musique). Pour mieux nous aider à définir nos priorités et à canaliser nos efforts, elles tirent à qui mieux mieux sur nos cordes sensibles et opèrent en fonction de nos choix et de nos réactions.
Nous sommes et nous restons seuls maîtres de nos choix et de notre destinée, mais tant et aussi longtemps que nous choisissons d’exercer notre indépendance dans la sphère matérielle, dont nous ne sommes nullement maîtres, nous devons nous plier à certaines exigences, et parmi elles, les gounas, qui régissent bel et bien tout ce que nous faisons dans l’oubli de notre identité spirituelle.
Les gounas sont au nombre de trois, et elles se présentent comme suit :
Vertu (sattva-gouna) : les personnes sous l’influence de la vertu (sattva se traduit aussi par «pureté», «vérité», «connaissance», «intégrité» ou «équilibre») font preuve de compassion, de droiture et de détachement, ne manifestent aucune aversion ni aucun attrait excessif, et trouvent leur satisfaction dans le sentiment du devoir accompli.
Passion (rajo-gouna) : les personnes sous l’influence de la passion (rajas se traduit aussi par «énergie», «force», «impulsion» ou «mouvement») sont pétries de désirs et d’ambitions, motivées par leur ego et acharnées dans leur quête de résultats.
Ignorance (tamo-gouna) : les personnes sous l’influence de l’ignorance (tamas se traduit aussi par «obscurité», «lourdeur» ou «inertie») se révèlent irresponsables, inconstantes et déloyales. Elles recherchent la facilité en tout et sont enclines à la tromperie, à la paresse et à l’indolence.
Un trio tentaculaire
Il faut aussi savoir que ces influences alternent et se chevauchent, ce qui donne lieu à une infinité de combinaisons, si bien que les descriptions ci-dessus visent uniquement à dégager les grandes lignes des tendances associées à chacune des gounas. La nature nous propose en effet un éventail infini de possibilités et d’occasions de satisfaire nos désirs. Et comme notre soif de satisfaction est sans borne, toutes ces avenues semblent si prometteuses que les sens et le mental s’y engagent volontiers sans offrir de résistance.
Nous butinons ainsi de fleur en fleur à la recherche du nectar qui nous procurera le bonheur recherché, et les gounas ne cessent d’en faire apparaître de nouvelles, plus colorées, plus odorantes et plus attirantes encore. Elles déterminent en outre nos préférences en termes d’aliments, de vêtements, de couleurs, de profession et de croyances, et influent sans relâche sur les moindres aspects de notre existence. Le 14e chapitre de la Bhagavad-gita traite en détail de la question, si ça vous intéresse.
Conditionnés par une conception matérielle — pour ne pas dire carrément corporelle — de l’existence, nous sommes davantage enclins à nous laisser guider par nos sens et notre mental que par notre intelligence. Or, ni les sens ni le mental n’ont d’autonomie à proprement parler. Ou alors ils sont harnachés par l’intelligence et entièrement mis au service de notre quête intérieure, ou alors ils répondent spontanément aux sollicitations de l’extérieur.
Et puisque nous n’avons pas tous le même bagage et que nous n’en sommes pas tous au même point dans notre évolution, nous ne sommes pas tous attirés par les mêmes choses. Autrement dit, selon le chemin parcouru et notre héritage karmique, nous sommes plus naturellement portés, consciemment ou non, vers des attitudes, des comportements et des activités sous le signe de la «vertu», sous le signe de la «passion» ou sous le signe de l’«ignorance». À nous d’obéir aveuglément à ces influences ou, au contraire, de prendre les moyens de nous en affranchir…