Les vérités scientifiques d’hier sont souvent invalidées par de nouvelles découvertes. À l’inverse, il arrive que les mythes d’hier s’avèrent être des faits historiques. C’est notamment le cas de personnages et d’événements dépeints dans les textes anciens.
Avant la mise au jour de certains sites archéologiques au Moyen-Orient, nombre de récits bibliques étaient tenus pour purement fictifs. Les fouilles ont cependant permis de corroborer l’existence de divers personnages, lieux et événements de la Bible.
À titre d’exemple, bien que les savants ne s’entendent pas tous sur la réalité de l’Exode, ils sont maintenant tous d’accord sur le fait que la ville de Ramsès mentionnée dans le Livre de l’Exode existait bel et bien et qu’il s’y trouvait des esclaves israélites. Des fouilles ont en effet établi l’emplacement de cette ville près de Qantir, en Égypte. D’anciens manuscrits égyptiens font en outre état d’esclaves ayant fui dans le désert du Sinaï suivant un tracé semblable à celui de l’Exode.
Citons de même l’exemple de Troie, rendue célèbre par l’Iliade et l’Odyssée d’Homère. En 1829, un garçon allemand âgé de sept ans du nom de Heinrich Schliemann est frappé par une image de la légendaire ville de Troie en flammes. Tant et si bien que la scène hante ses pensées et qu’il se jure de découvrir un jour la cité mythique.
Ce qu’il fera quarante ans plus tard en exposant les fameuses ruines, prouvant du coup que les récits d’Homère avaient un fondement historique. C’est ainsi qu’en 1873, la Troie d’Agamemnon est finalement entrée dans les livres d’histoire.
Schliemann a été le premier à vérifier le contenu de textes anciens par des fouilles archéologiques. Avant lui, il n’y avait aucune trace de la Grèce préhistorique autre que des récits jugés strictement romantiques. On ne savait pratiquement rien de l’âge de bronze égéen, et les scientifiques étaient d’avis que la culture grecque avait débuté vers 776 av. J.‑C., soit l’année de la première olympiade. Les travaux du pionnier allemand ont permis de repousser cette date d’un demi-millénaire!
L’archéologie à la rescousse des écrits
L’antique cité mésopotamienne d’Ur est également restée mythique jusqu’à ce que l’archéologue britannique Leonard Woolley y entreprenne des fouilles en 1923. Des inscriptions trouvées sur place ont notamment permis d’établir l’existence du roi Sargon d’Akkad, qu’on croyait n’être qu’une légende, mais qui a effectivement régné en 2400 av. J.‑C.
Un exemple plus récent tient à la découverte d’un drakkar viking en septembre 1997, alors que les scientifiques étaient persuadés qu’un tel navire n’avait jamais existé. Ils avaient bien documenté de plus petites embarcations nordiques, mais la taille supposée des drakkars défiait toutes leurs connaissances. Et pourtant, lors du dragage d’un port danois, un improbable spécimen de guerre long de 35 mètres fut exhumé, confirmant ainsi la teneur des sagas scandinaves à propos de ces «grands vaisseaux».
Puis, en mai 2000, ce fut au tour de trois villes de la soi-disant mythologie égyptienne de faire le saut dans les revues d’histoire spécialisées. Du fond de la Méditerranée ont en effet surgi les vestiges vieux de 2500 ans des villes pharaoniques de Ménouthis, Héraklion et Canope, que les scientifiques gardaient enfouies dans les tragédies grecques et les légendes populaires, faute de preuves d’existence satisfaisantes à leurs yeux.
Le célèbre historien grec Hérodote avait pourtant parlé d’Héraklion et de son temple à Hercule lors de son voyage en Égypte en 450 av. J.‑C. D’autres chroniques mentionnaient que Ménélas, roi de Sparte, avait fait halte à Héraklion à son retour de Troie avec Hélène. Que son timonier Canope avait été mordu par une vipère et qu’une ville avait été baptisée en sa mémoire, ainsi qu’une autre au nom de sa femme, Ménouthis. Le géographe grec Strabon avait même indiqué l’emplacement de ces villes, tandis que Sénèque, le dramaturge romain, avait souligné leur décadence.
Il fallut néanmoins attendre que l’archéologue français Franck Goddio fasse usage de ces indications anciennes et de techniques électroniques modernes pour balayer le fond marin en quête de traces des villes en question, jusqu’à les dévoiler, «figées dans le temps», sous près de deux mètres de vase par une dizaine de mètres de profondeur.
Des approches incompatibles
Le Moyen-Orient, la Scandinavie, la Grèce et l’Égypte se trouvent tous dans la zone de confort des Occidentaux. Nous n’avons guère de scrupules à y retracer notre histoire et nos racines – même parmi ce qui nous y semble encore mythique. Le Moyen-Orient nous a donné nos religions. La Grèce antique a façonné notre intellect. Et les Vikings nous semblent de proches cousins. Mais lorsqu’il est question de l’Inde et de la culture védique, c’est une tout autre affaire. Tout nous y semble étranger, pour ne pas dire étrange.
Qui plus est, les textes védiques offrent une vision unique de l’histoire du monde à travers des descriptions détaillées de personnages, de lieux et d’événements sur des milliers et des milliers d’années. Les chercheurs modernes y ont vite perdu leur latin, et bien peu ont éprouvé le besoin de scruter le bien-fondé de ce qu’ils continuent de considérer comme des mythes énigmatiques.
Le mystère entourant les nombreux et volumineux textes védiques s’épaissit d’autant plus que les universitaires occidentaux rejettent d’emblée la tradition historique de l’Inde ancienne. Pour eux, l’Histoire débute avec les Grecs et leurs premiers historiographes autour du 5e siècle av. J.‑C., suivis des Romains à l’aube de notre ère.
La culture antique du sous-continent indien n’a apparemment jamais mis l’accent sur la formation d’historiens de renom au sens où nous l’entendons à l’Ouest. Sa présentation des faits obéit à des règles très différentes des nôtres, et s’attache davantage à faire ressortir l’importance des messages et enseignements sous-jacents qu’à développer une chronologie rigoureusement structurée et documentée. Ce qui s’explique sans doute par sa vision foncièrement holistique et spirituelle du monde, en nette opposition avec les préoccupations purement cartésiennes et scientifiques de nos chercheurs.
L’avenir nous le dira
Depuis le début du 20e siècle, des fouilles archéologiques ont cependant permis de découvrir, dans la vallée de l’Indus, des villes comme Mohenjo-daro et Harappa, datant du 3e millénaire av. J.‑C. et témoignant d’une civilisation hautement sophistiquée remontant au moins au 7e millénaire av. J.‑C.
Plus récemment, les vestiges d’une cité prospère datant de près de 10 000 ans et s’étendant sur neuf kilomètres ont d’ailleurs été découverts au large de l’État du Gujarat, dans le golfe de Khambat. Les restes de Dvaraka, la cité royale de Krishna, et du pont de pierre construit par Ramachandra il y a des dizaines de milliers d’années pour relier le sous-continent à l’actuel Sri Lanka ont aussi été découverts depuis peu grâce à des expéditions sous-marines et à des images satellite.
Inutile de dire que ces découvertes font considérablement reculer la date présumée des premières civilisations dignes de ce nom aux yeux des Occidentaux. Elles nous obligent en outre à considérer le vaste et riche contenu des textes védiques d’un autre œil. Et les Indiens semblent eux-mêmes de plus en plus nombreux à se préoccuper des preuves de leur histoire, de loin plus ancienne que toute autre consignée à ce jour. Les décennies à venir pourraient donc donner lieu à bien d’autres exemples de passages du mythe à l’histoire.