Souvent traduit par «religion», le concept de dharma dépasse largement celui de confession sectaire.
Selon le contexte, ce mot sanskrit revêt en effet de nombreux sens connexes, mais non moins distincts. Il peut entre autres désigner l’ordre naturel des choses ou la justice universelle, et tout aussi bien évoquer les notions d’éthique, de vertu ou de morale que de droiture ou de devoir. Lorsqu’on le traduit par «religion», ce n’est donc pas tant par référence à une foi particulière qu’aux principes dits «religieux» au sens de «sacrés», c’est-à-dire fondamentalement respectueux des valeurs universelles.
Le dharma revêt plusieurs formes, toutes conçues pour guider la conduite des humains en société, et ses principes sont clairement définis dans les Védas. Un exemple courant en est le varnashram-dharma, qui réfère aux droits et responsabilités propres aux différents groupes de la société (varnas) et aux grandes étapes de la vie humaine (ashrams). Et quiconque adhère à ces principes honore d’emblée certains devoirs garants d’harmonie avec soi, avec ses semblables et avec la nature.
Voir 4 divisions naturelles de la société.
Voir 4 divisions naturelles de l’existence.
Toutes les notions évoquées ci-dessus dérivent du fait que, par sa racine sanskrite, le mot dharma désigne la nature intrinsèque d’une chose. Chaleur et lumière, par exemple, ne peuvent être dissociées du feu; sans elles, le mot «feu» n’a plus aucun sens. Il en est de même de la fluidité de l’eau, tout comme des propriétés inhérentes à toute autre chose.
Dharma et religion
Il est dès lors intéressant de se demander quelle est la nature propre de l’âme, sa fonction immanente et immuable, son sva-dharma. Eh bien, c’est de servir! Nous servons tous quelque chose ou quelqu’un de façon ininterrompue, de notre naissance à notre mort. Il s’agit d’un attribut aussi indissociable de nous que la chaleur peut l’être du feu ou que la liquidité peut l’être de l’eau. On pourrait en quelque sorte dire qu’il s’agit de notre «religion» éternelle, de notre sanatan-dharma.
Voilà qui peut nous aider à mieux comprendre pourquoi le mot «religion», dans le sens où on l’entend normalement, ne rend pas justice à la notion de dharma. L’adhésion à une religion repose en effet sur une croyance, et une croyance peut changer, si bien qu’on peut changer de confession. Par contre, notre dharma à proprement parler nous accompagne éternellement, il n’a par définition ni commencement ni fin, et on ne peut en changer.
Le dharma suprême
Si la fonction même de l’âme est de servir, il importe de comprendre que ce qui distingue la matérialité de la spiritualité, c’est en fait l’objet de notre service. On peut bien sûr servir ses sens, ses ambitions, ses parents, son conjoint, ses enfants, son employeur, la nation ou une cause quelconque, mais toutes ces formes de dharma demeurent matérielles et continuent d’enchaîner l’âme à la matière, alors qu’elle est de nature spirituelle et éternelle.
Qui désire vivre pleinement sa spiritualité doit donc plutôt vouer son service à l’Absolu en pensées, en paroles et en actes à travers ses occupations quotidiennes. C’est pourquoi Krishna dit à Arjuna dans la Bhagavad-gita :
« Oublie les convenances religieuses et toutes autres formes de dharma;
Bhagavad-gita, 18.66
remets-t’en simplement à Moi ».
Le Bienheureux insiste pour distinguer tous les dharmas secondaires, parallèles ou illusoires du dharma suprême de l’âme. Pour écarter les prétendues obligations qui repoussent sans cesse la poursuite de sa véritable mission sur terre. Pour supprimer les obstacles et les entraves au plein accomplissement de soi. Pour retirer les masques et dissiper les excuses qui détournent l’être de sa spiritualité profonde et du sens même de sa vie. Tel est l’enseignement ultime pour qui veut réellement vivre sa spiritualité, ici et maintenant.